Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/61

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agreste et désert, et n’entendîmes pendant la nuit que les hurlements et les rugissements des bêtes sauvages.

Une ou deux fois dans la journée je crus apercevoir le pic de Ténériffe, qui est la haute cime du mont Ténériffe dans les Canaries, et j’eus grande envie de m’aventurer au large dans l’espoir de l’atteindre ; mais l’ayant essayé deux fois, je fus repoussé par les vents contraires ; et comme aussi la mer était trop grosse pour ma petite embarcation, je résolus de continuer mon premier dessein de côtoyer le rivage.

Après avoir quitté ce lieu, je fus plusieurs fois obligé d’aborder pour faire aiguade ; et une fois entre autres qu’il était de bon matin, nous vînmes mouiller sous une petite pointe de terre assez élevée, et la marée commençant à monter, nous attendions tranquillement qu’elle nous portât plus avant. Xury, qui, à ce qu’il paraît, avait plus que moi l’œil au guet, m’appela doucement et me dit que nous ferions mieux de nous éloigner du rivage. — « Car regardez là-bas, ajouta-t-il, ce monstre affreux étendu sur le flanc de cette colline, et profondément endormi. » Je regardai au lieu qu’il désignait, et je vis un monstre épouvantable, en vérité, car c’était un énorme et terrible lion couché sur le penchant du rivage, à l’ombre d’une portion de la montagne, qui, en quelque sorte, pendait presque au-dessus de lui. — « Xury, lui dis-je, va à terre, et tue-le. » — Xury parut effrayé, et répliqua : — « Moi tuer ! lui manger moi d’une seule bouche. » Il voulait dire d’une seule bouchée. Toutefois, je ne dis plus rien à ce garçon ; seulement je lui ordonnai de rester tranquille, et je pris notre plus gros fusil, qui était presque du calibre d’un mousquet, et, après y avoir mis une bonne charge de poudre et deux lingots, je le posai à terre ; puis en chargeai un autre à deux balles ;