Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/65

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Quand j’eus suivi cette résolution pendant environ dix jours de plus, comme je l’ai déjà dit, je commençai à m’apercevoir que la côte était habitée, et en deux ou trois endroits que nous longions, nous vîmes des gens qui s’arrêtaient sur le rivage pour nous regarder ; nous pouvions aussi distinguer qu’ils étaient entièrement noirs et tout-à-fait nus. J’eus une fois l’envie de descendre à terre vers eux ; mais Xury fut meilleur conseiller, et me dit : — « Pas aller ! Pas aller ! » Je halai cependant plus près du rivage afin de pouvoir leur parler, et ils me suivirent pendant quelque temps le long de la rive. Je remarquai qu’ils n’avaient point d’armes à la main, un seul excepté qui portait un long et mince bâton, que Xury dit être une lance qu’ils pouvaient lancer fort loin avec beaucoup de justesse. Je me tins donc à distance, mais je causai avec eux, par gestes, aussi bien que je pus, et particulièrement pour leur demander quelque chose à manger. Ils me firent signe d’arrêter ma chaloupe, et qu’ils iraient me chercher quelque nourriture. Sur ce, j’abaissai le haut de ma voile ; je m’arrêtai proche, et deux d’entre eux coururent dans le pays, et en moins d’une demi-heure revinrent, apportant avec eux deux morceaux de viande sèche et du grain, production de leur contrée. Ni Xury ni moi ne savions ce que c’était ; pourtant nous étions fort désireux de le recevoir ; mais comment y parvenir ? Ce fut là notre embarras. Je n’osais point aller à terre vers eux, qui n’étaient pas moins effrayés de nous. Bref, ils prirent un détour excellent pour nous tous ; ils déposèrent les provisions sur le rivage, et se retirèrent à une grande distance jusqu’à ce que nous les eûmes toutes embarquées, puis ils se rapprochèrent de nous.

N’ayant rien à leur donner en échange, nous leur faisions des signes de remerciements, quand tout à coup s’of-