Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/114

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s’ils voulaient vivre paisiblement ils ne demandaient pas mieux que de les aider et d’avoir des rapports avec eux comme auparavant ; mais qu’on ne pouvait penser à leur rendre leurs armes lorsqu’ils étaient résolus à s’en servir contre leurs compatriotes, et les avaient même menacés de faire d’eux touts des esclaves.

Les coquins n’étaient pas alors plus en état d’entendre raison que d’agir raisonnablement ; mais, voyant qu’on leur refusait leurs armes, ils s’en allèrent en faisant des gestes extravagants, et comme fous de rage, menaçant, bien que sans armes à feu, de faire tout le mal en leur pouvoir. Les Espagnols, méprisant leurs menaces, leur dirent de se bien garder de causer le moindre dommage à leurs plantations ou à leur bétail ; que s’ils s’avisaient de le faire ils les tueraient à coups de fusil comme des bêtes féroces partout où ils les trouveraient ; et que s’ils tombaient vivants entre leurs mains, ils pouvaient être sûrs d’être pendus. Il s’en fallut toutefois que cela les calmât, et ils s’éloignèrent en jurant et sacrant comme des échappés de l’enfer. Aussitôt qu’ils furent partis, vinrent les deux autres, enflammés d’une colère et possédés d’une rage aussi grandes, quoique d’une autre nature : ce n’était pas sans motif, car, ayant été à leur plantation, ils l’avaient trouvée toute démolie et détruite ; à peine eurent-ils articulé leurs griefs, que les Espagnols leur dirent les leurs, et touts s’étonnèrent que trois hommes en bravassent ainsi dix-neuf impunément.

Les Espagnols les méprisaient, et, après les avoir ainsi désarmés, firent peu de cas de leurs menaces ; mais les deux Anglais résolurent de se venger, quoi qu’il pût leur en coûter pour les trouver.

Ici les Espagnols s’interposèrent également, et leur dirent que leurs adversaires étant déjà désarmés, ils ne pou-