Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/134

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mais que comme ils étaient Anglais, et que c’était à la généreuse humanité d’un Anglais qu’ils devaient touts leur vie et leur délivrance, il les traiterait avec toute la douceur possible, et les abandonnerait au jugement de leurs deux compatriotes.

Un des deux honnêtes Anglais se leva alors, et dit qu’ils désiraient qu’on ne les choisît pas pour juges ; — « car, ajouta-t-il, j’ai la conviction que notre devoir serait de les condamner à être pendus. » — Puis, il raconta comment Will Atkins, l’un des trois, avait proposé aux Anglais de se liguer touts les cinq pour égorger les Espagnols pendant leur sommeil.

Quand le gouverneur espagnol entendit cela, il s’adressa à Will Atkins : — « Comment, senõr Atkins, dit-il, vous vouliez nous tuer touts ? Qu’avez-vous à dire à cela ? » — Ce coquin endurci était si loin de le nier, qu’il affirma que cela était vrai, et, Dieu me damne, jura-t-il, si nous ne le faisons pas avant de démêler rien autre avec vous. — « Fort bien ; mais, senõr Atkins, dit l’Espagnol, que vous avons-nous fait pour que vous veuillez nous tuer ? et que gagneriez-vous à nous tuer ? et que devons-nous faire pour vous empêcher de nous tuer ? Faut-il que nous vous tuions ou que nous soyons tués par vous ? Pourquoi voulez-vous nous réduire à cette nécessité, senõr Atkins ? dit l’Espagnol avec beaucoup de calme et en souriant.

Senõr Atkins entra dans une telle rage contre l’Espagnol qui avait fait une raillerie de cela, que, s’il n’avait été retenu par trois hommes, et sans armes, il est croyable qu’il aurait tenté de le tuer au milieu de toute l’assemblée.

Cette conduite insensée les obligea à considérer sérieusement le parti qu’ils devaient prendre. Les deux Anglais