Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/139

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un lieu où il n’y avait pour le guérir ni chirurgien, ni médicaments ; mais le pire de tout ce fut leur dessein sanguinaire, c’est-à-dire, tout bien jugé, leur meurtre intentionnel, car, à coup sûr, c’en était un, ainsi que plus tard leur projet concerté d’assassiner de sang-froid les Espagnols durant leur sommeil.

Je laisse les réflexions, et je reprends mon récit. Les trois garnements vinrent un matin trouver les Espagnols, et en de très-humbles termes demandèrent instamment à être admis à leur parler. Ceux-ci consentirent volontiers à entendre ce qu’ils avaient à leur dire. Voilà de quoi il s’agissait : — « Nous sommes fatigués, dirent-ils, de la vie que nous menons ; nous ne sommes pas assez habiles pour faire nous-mêmes tout ce dont nous avons besoin ; et, manquant d’aide, nous aurions à redouter de mourir de faim ; mais si vous vouliez nous permettre de prendre l’un des canots dans lesquels vous êtes venus, et nous donner les armes et les munitions nécessaires pour notre défense, nous gagnerions la terre ferme pour chercher fortune, et nous vous délivrerions ainsi du soin de nous pourvoir de nouvelles provisions. »

Les Espagnols étaient assez enchantés d’en être débarrassés. Cependant ils leur représentèrent avec franchise qu’ils allaient courir à une mort certaine, et leur dirent qu’eux-mêmes avaient éprouvé de telles souffrances sur le continent, que, sans être prophètes, ils pouvaient leur prédire qu’ils y mourraient de faim ou y seraient assassinés. Ils les engagèrent à réfléchir à cela.

Ces hommes répondirent audacieusement qu’ils mourraient de faim s’ils restaient, car ils ne pouvaient ni ne voulaient travailler. Que lorsqu’ils seraient là-bas le pire qui pourrait leur arriver c’était de périr d’inanition ; que