Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et la politesse possibles entre gens qui de part et d’autre n’entendent pas un mot de ce qu’ils se disent, ils mirent à la voile et revinrent à la première île, où en arrivant ils donnèrent la liberté à huit de leurs captifs, dont ils avaient un trop grand nombre.

Pendant le voyage, ils tâchèrent d’entrer en communication avec leurs prisonniers ; mais il était impossible de leur faire entendre quoi que ce fût. À chaque chose qu’on leur disait, qu’on leur donnait ou faisait, ils croyaient qu’on allait les tuer. Quand ils se mirent à les délier, ces pauvres misérables jetèrent de grands cris, surtout les femmes ; comme si déjà elles se fussent senti le couteau sur la gorge, s’imaginant qu’on ne les détachait que pour les assassiner.

Il en était de même si on leur donnait à manger ; ils en concluaient que c’était de peur qu’ils ne dépérissent et qu’ils ne fussent pas assez gras pour être tués. Si l’un d’eux était regardé d’une manière plus particulière, il s’imaginait que c’était pour voir s’il était le plus gras et le plus propre à être tué le premier. Après même que les Anglais les eurent amenés dans l’île et qu’ils eurent commencé à en user avec bonté à leur égard et à les bien traiter, ils ne s’en attendirent pas moins chaque jour à servir de dîner ou de souper à leurs nouveaux maîtres.

Quand les trois aventuriers eurent terminé cet étrange récit ou journal de leur voyage, les Espagnols leur demandèrent où était leur nouvelle famille. Ils leur répondirent qu’ils l’avaient débarquée et placée dans l’une de leurs huttes et qu’ils étaient venus demander quelques vivres pour elle. Sur quoi les Espagnols et les deux autres Anglais, c’est-à-dire la colonie tout entière, résolurent d’aller la voir, et c’est ce qu’ils firent : le père de Vendredi les accompagna.

Quand ils entrèrent dans la hutte ils les virent assis et