Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/176

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s’étant divisés en trois corps, ils résolurent de tomber touts ensemble sur l’ennemi. Chacun de ces pelotons se composait de huit personnes : ce qui formait en somme vingt-quatre combattants, dont vingt-deux hommes et deux femmes, lesquelles, soit dit en passant, se battirent en désespérées.

On répartit par peloton les armes à feu, les hallebardes et les brindestocs. On voulait que les femmes se tinssent derrière, mais elles déclarèrent qu’elles étaient décidées à mourir avec leurs maris. Leur petite armée ainsi disposée, ils sortirent d’entre les arbres et se jetèrent sous la dent de l’ennemi en criant et en hélant de toutes leurs forces. Les Indiens se tenaient là debout touts ensemble ; mais ils tombèrent dans la plus grande confusion en entendant les cris que jetaient nos gens sur trois différents points. Cependant ils en seraient venus aux mains s’ils nous eussent apperçus ; car à peine fûmes-nous assez près pour qu’ils nous vissent qu’ils nous décochèrent quelques flèches, et que le pauvre vieux Vendredi fut blessé, légèrement toutefois. Mais nos gens, sans plus de temps, fondirent sur eux, firent feu de trois côtés, puis tombèrent dessus à coups de crosses de mousquet, à coups de sabres, de bâtons ferrés et de haches, et, en un mot, les frottèrent si bien, qu’ils se mirent à pousser des cris et des hurlements sinistres en s’enfuyant de touts côtés pour échapper à la mort.

Les nôtres étaient fatigués de ce carnage : ils avaient tué ou blessé mortellement, dans les deux rencontres, environ cent quatre-vingts de ces barbares. Les autres, épouvantés, se sauvèrent à travers les bois et sur les collines, avec toute la vitesse que pouvaient leur donner la frayeur et des pieds agiles ; et, voyant que nos hommes se mettaient peu en peine de les poursuivre, ils se rassemblèrent sur la côte où ils avaient débarqué et où leurs canots étaient amarrés. Mais leur