Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/208

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m’obligent, aussi bien que la décence et les convenances, à me ranger sous votre obéissance. Je n’entrerai donc pas plus avant que vous ne m’y autoriserez dans aucun débat sur des points de religion touchant lesquels nous pourrions différer de sentiments.

Je lui dis que sa conduite était si pleine de modestie, que je ne pouvais ne pas en être pénétré ; qu’à la vérité nous étions de ces gens qu’ils appelaient hérétiques, mais qu’il n’était pas le premier catholique avec lequel j’eusse conversé sans tomber dans quelques difficultés ou sans porter la question un peu haut dans le débat ; qu’il ne s’en trouverait pas plus mal traité pour avoir une autre opinion que nous, et que si nous ne nous entretenions pas sur cette matière sans quelque aigreur d’un côté ou de l’autre, ce serait sa faute et non la nôtre.

Il répliqua qu’il lui semblait facile d’éloigner toute dispute de nos entretiens ; que ce n’était point son affaire de convertir les principes de chaque homme avec qui il discourait, et qu’il désirait converser avec moi plutôt en homme du monde qu’en religieux ; que si je voulais lui permettre de discourir quelquefois sur des sujets de religion, il le ferait très-volontiers ; qu’alors il ne doutait point que je ne le laissasse défendre ses propres opinions aussi bien qu’il le pourrait, mais que sans mon agrément il n’ouvrirait jamais la bouche sur pareille matière.

Il me dit encore que, pour le bien du navire et le salut de tout ce qui s’y trouvait, il ne cesserait de faire tout ce qui seyait à sa double mission de prêtre et de Chrétien ; et que, nonobstant que nous ne voulussions pas peut-être nous réunir à lui, et qu’il ne pût joindre ses prières aux nôtres, il espérait pouvoir prier pour nous, ce qu’il ferait en toute occasion. Telle était l’allure de nos conversations ; et, de