Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/216

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efforts dans ce lieu, quoique bons en eux-mêmes, quoique honnêtes dans leur but ; tandis que ces hommes, qui sont présentement vos sujets, sous votre gouvernement et votre domination absolus, sont autorisés par vous à vivre ouvertement dans l’adultère ? »

Je l’avoue, je fus frappé de la chose, mais beaucoup encore des arguments convaincants dont il l’avait appuyée ; car il était certainement vrai que, malgré qu’ils n’eussent point d’ecclésiastique sur les lieux, cependant un contrat formel des deux parties, fait par-devant témoins, confirmé au moyen de quelque signe par lequel ils se seraient touts reconnus engagés, n’eût-il consisté que dans la rupture d’un fétu, et qui eût obligé les hommes à avouer ces femmes pour leurs épouses en toute circonstance, à ne les abandonner jamais, ni elles ni leurs enfants, et les femmes à en agir de même à l’égard de leurs maris, eût été un mariage valide et légal à la face de Dieu. Et c’était une grande faute de ne l’avoir pas fait.

Je pensai pouvoir m’en tirer avec mon jeune prêtre en lui disant que tout cela avait été fait durant mon absence, et que depuis tant d’années ces gens vivaient ensemble, que, si c’était un adultère, il était sans remède ; qu’à cette heure on n’y pouvait rien.

— « Sir, en vous demandant pardon d’une telle liberté, répliqua-t-il, vous avez raison en cela, que, la chose s’étant consommée en votre absence, vous ne sauriez être accusé d’avoir connivé au crime. Mais, je vous en conjure, ne vous flattez pas d’être pour cela déchargé de l’obligation de faire maintenant tout votre possible pour y mettre fin. Qu’on impute le passé à qui l’on voudra ! Comment pourriez-vous ne pas penser qu’à l’avenir le crime retombera entièrement sur vous, puisque aujourd’hui il est certaine-