Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/248

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J’en aurais dit davantage si j’eusse pu maîtriser mon agitation ; mais le repentir de ce pauvre homme me semblait tellement plus profond que le mien, que je fus sur le point de briser là et de me retirer. J’étais stupéfait de ses paroles ; je voyais que bien loin que je dusse remontrer et instruire cet homme, il était devenu pour moi un maître et un précepteur, et cela de la façon la plus surprenante et la plus inattendue.

J’exposai tout ceci au jeune ecclésiastique, qui en fut grandement pénétré, et me dit : — « Eh bien, n’avais-je pas prédit qu’une fois que cet homme serait converti, il nous prêcherait touts ? En vérité, sir, je vous le déclare, si cet homme devient un vrai pénitent, on n’aura pas besoin de moi ici ; il fera des Chrétiens de touts les habitants de l’île. » — M’étant un peu remis de mon émotion, je renouai conversation avec Will Atkins.

« Mais Will, dis-je, d’où vient que le sentiment de ces fautes vous touche précisément à cette heure ? »

William Atkins. — Sir, vous m’avez mis à une œuvre qui m’a transpercé l’âme. J’ai parlé à ma femme de Dieu et de religion, à dessein, selon vos vues, de la faire chrétienne, et elle m’a prêché, elle-même, un sermon tel que je ne l’oublierai de ma vie.

Robinson Crusoé. — Non, non, ce n’est pas votre femme qui vous a prêché ; mais lorsque vous la pressiez de vos arguments religieux, votre conscience les rétorquait contre vous.

W. A. — Oh ! oui, sir, et d’une telle force que je n’eusse pu y résister.

R. C. — Je vous en prie, Will, faites-nous connaître