Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/271

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l’idée que parmi les choses nécessaires que j’avais à laisser à mes Anglais, j’avais oublié de placer une Bible, et qu’en cela je me montrais moins attentionné à leur égard que ne l’avait été envers moi ma bonne amie la veuve, lorsqu’en m’envoyant de Lisbonne la cargaison de cent livres sterling, elle y avait glissé trois Bibles et un livre de prières. Toutefois la charité de cette brave femme eut une plus grande extension qu’elle ne l’avait imaginé ; car il était réservé à ses présents de servir à la consolation et à l’instruction de gens qui en firent un bien meilleur usage que moi-même.

Je mis une de ces Bibles dans ma poche, et lorsque j’arrivai à la rotonde ou maison de William Atkins, et que j’eus appris que la jeune épousée et la femme baptisée d’Atkins avaient conversé ensemble sur la religion, — car Will me l’annonça avec beaucoup de joie, — je demandai si elles étaient réunies en ce moment, et il me répondit que oui. J’entrai donc dans la maison, il m’y suivit, et nous les trouvâmes toutes deux en grande conversation. — « Oh ! sir, me dit William Atkins, quand Dieu a des pécheurs à réconcilier à lui, et des étrangers à introduire dans son royaume, il ne manque pas de messagers. Ma femme s’est acquis un nouveau guide ; moi je me reconnais aussi indigne qu’incapable de cette œuvre ; cette jeune personne nous a été envoyée du Ciel : il suffirait d’elle pour convertir toute une île de Sauvages. » — La jeune épousée rougit et se leva pour se retirer, mais je l’invitai à se rasseoir. — « Vous avez une bonne œuvre entre les mains, lui dis-je, j’espère que Dieu vous bénira dans cette œuvre. »

Nous causâmes un peu ; et, ne m’appercevant pas qu’ils eussent aucun livre chez eux, sans toutefois m’en être enquis, je mis la main dans ma poche et j’en tirai ma Bible.