Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/318

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pas tout : nous vîmes l’incendie s’étendre, et comme les cris croissaient à mesure que l’incendie croissait, nous tombâmes dans la dernière consternation. Nous nous avançâmes un peu, et nous apperçûmes, à notre grand étonnement, trois femmes nues, poussant d’horribles cris, et fuyant comme si elles avaient des ailes, puis, derrière elles, dans la même épouvante et la même terreur, seize ou dix sept naturels poursuivis — je ne saurais les mieux nommer — par trois de nos bouchers anglais, qui, ne pouvant les atteindre leur envoyèrent une décharge : un pauvre diable, frappé d’une balle, fut renversé sous nos yeux. Quand ces indiens nous virent, croyant que nous étions des ennemis et que nous voulions les égorger, comme ceux qui leur donnaient la chasse ils jetèrent un cri horrible, surtout les femmes, et deux d’entre eux tombèrent par terre comme morts d’effroi.

À ce spectacle, j’eus le cœur navré, mon sang se glaça dans mes veines, et je crois que si les trois matelots anglais qui les poursuivaient se fussent approchés, je les aurais fait tuer par notre monde. Nous essayâmes de faire connaître à ces pauvres fuyards que nous ne voulions point leur faire de mal, et aussitôt ils accoururent et se jetèrent à nos genoux, levant les mains, et se lamentant piteusement pour que nous leur sauvions la vie. Leur ayant donné à entendre que c’était là notre intention, touts vinrent pêle-mêle derrière nous se ranger sous notre protection. Je laissai mes hommes assemblés, et je leur recommandai de ne frapper personne, mais, s’il était possible, de se saisir de quelqu’un de nos gens pour voir de quel démon ils étaient possédés, ce qu’ils espéraient faire, et, bref, de leur enjoindre de se retirer, en leur assurant que, s’ils demeuraient jusqu’au jour, ils auraient une centaine