Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/337

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préparer pour cette expédition : la difficulté principale avait été de m’y engager. Cependant à la fin rien autre ne s’étant offert et trouvant qu’après tout rouler et trafiquer avec un profit si grand, et je puis bien dire certain, était chose plus agréable en soi et plus conforme à mon humeur que de rester inactif, ce qui pour moi était une mort, je m’étais déterminé à ce voyage. Nous le fîmes avec un grand succès, et, touchant à Bornéo et à plusieurs autres îles dont je ne puis me remémorer le nom, nous revînmes au bout de cinq mois environ. Nous vendîmes nos épices, qui consistaient principalement en clous de girofle et en noix muscades, à des négociants persans, qui les expédièrent pour le Golfe ; nous gagnâmes cinq pour un, nous eûmes réellement un bénéfice énorme.

Mon ami, quand nous réglâmes ce compte, me regarda en souriant : — Eh bien maintenant, me dit-il, insultant aimablement à ma nonchalance ; ceci ne vaut-il pas mieux que de trôler çà et là comme un homme désœuvré, et de perdre notre temps à nous ébahir de la sottise et de l’ignorance des payens ? — « Vraiment, mon ami, répondis-je, je le crois et commence à me convertir aux principes du négoce ; mais souffrez que je vous le dise en passant, vous ne savez ce dont je suis capable ; car si une bonne fois je surmonte mon indolence, et m’embarque résolument, tout vieux que je suis, je vous harasserai de côté et d’autre par le monde jusqu’à ce que vous n’en puissiez plus ; car je prendrai si chaudement l’affaire, que je ne vous laisserai point de répit.

Or pour couper court à mes spéculations, peu de temps après ceci arriva un bâtiment hollandais venant de Batavia ; ce n’était pas un navire marchand européen, mais un caboteur, du port d’environ de cents tonneaux. L’équi-