Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/368

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avisés, d’orgueilleux, d’insolents personnages qui ne savent ce que c’est que la justice, ce que c’est que de se conduire selon les lois de Dieu et la nature ; fiers de leur office et n’entendant goutte à leur pouvoir pour punir des voleurs, ils se font assassins ; ils prennent sur eux d’outrager des gens faussement accusés et de les déclarer coupables sans enquête légale ; mais si Dieu me prête vie je leur en ferai rendre compte, je leur ferai apprendre comment la justice veut être administrée, et qu’on ne doit pas traiter un homme comme un criminel avant que d’avoir quelque preuve et du crime et de la culpabilité de cet homme. »

Sur ce, je lui déclarai que notre navire était celui-là même que ces messieurs avaient attaqué ; je lui exposai tout au long l’escarmouche que nous avions eue avec leurs chaloupes et la sottise et la couardise de leur conduite ; je lui contai toute l’histoire de l’acquisition du navire et comment le Hollandais nous avait présenté la chose ; je lui dis les raisons que j’avais de ne pas ajouter foi à l’assassinat du capitaine par les Malais, non plus qu’au rapt du navire ; que ce n’était qu’une fable du crû de ces messieurs pour insinuer que l’équipage s’était fait pirate ; qu’après tout ces messieurs auraient dû au moins s’assurer du fait avant de nous attaquer au dépourvu et de nous contraindre à leur résister : — « Ils auront à répondre, ajoutai-je, du sang des hommes que dans notre légitime défense nous avons tués ! »

Ébahi à ce discours, le bon homme nous dit que nous avions furieusement raison de gagner le Nord, et que, s’il avait un conseil à nous donner, ce serait de vendre notre bâtiment en Chine, chose facile, puis d’en construire ou d’en acheter un autre dans ce pays : — « Assurément, ajouta-t-il, vous n’en trouverez pas d’aussi bon que le vôtre ; mais vous pourrez vous en procurer un plus que suffisant pour