Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/432

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me demanda à s’entretenir avec moi. — « Je crains, me dit-il, de vous avoir détourné de votre bon dessein : j’en ai été un peu préoccupé depuis, car j’abhorre les idoles et l’idolâtrie tout autant que vous pouvez le faire. » — « Franchement, lui répondis-je, vous m’avez quelque peu déconcerté quant à son exécution, mais vous ne l’avez point entièrement chassé de mon esprit, et je crois fort que je l’accomplirai avant de quitter ce lieu, dussé-je leur être livré en satisfaction. » — « Non, non, dit-il, à Dieu ne plaise qu’on vous livre à une pareille engeance de montres ! On ne le fera pas ; ce serait vous assassiner. » — « Oui-dà, fis-je, eh ! comment me traiteraient-ils donc ? » — « Comment ils vous traiteraient ! s’écria-t-il ; écoutez, que je vous conte comment ils ont accommodé un pauvre Russien qui, les ayant insultés dans leur culte, juste comme vous avez fait, tomba entre leurs mains. Après l’avoir estropié avec un dard pour qu’il ne pût s’enfuir, ils le prirent, le mirent tout nu, le posèrent sur le haut de leur idole-monstre, se rangèrent tout autour et lui tirèrent autant de flèches qu’il s’en put ficher dans son corps ; puis ils le brûlèrent lui et toutes les flèches dont il était hérissé, comme pour l’offrir en sacrifice à leur idole. » — « Était-ce la même idole ? » fis-je. — « Oui, dit-il, justement la même. » — « Eh ! bien, » repris-je, « à mon tour, que je vous conte une histoire. » — Là-dessus je lui rapportai l’aventure de nos Anglais à Madagascar, et comment ils avaient incendié et mis à sac un village et tué hommes, femmes et enfants pour venger le meurtre de nos compagnons, ainsi que cela a été relaté précédemment ; puis, quand j’eus finis, j’ajoutai que je pensais que nous devions faire de même à ce village.

Il écouta très-attentivement toute l’histoire, mais quand je parlai de faire de même à ce village, il me dit : — « Vous