Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/465

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ce ne sera pas une petite satisfaction pour moi de penser que vous m’aurez laissé honnête homme, sinon homme libre. »

Je ne pouvais plus qu’acquiescer et lui protester que dans tout cela mon unique but avait été de le servir. Il m’embrassa très-affectueusement en m’assurant qu’il en était convaincu et qu’il en serait toujours reconnaissant ; puis il m’offrit un très-beau présent de zibelines, trop magnifique vraiment pour que je pusse l’accepter d’un homme dans sa position, et que j’aurais refusé s’il ne s’y fût opposé.

Le lendemain matin j’envoyai à sa seigneurie mon serviteur avec un petit présent de thé, deux pièces de damas chinois, et quatre petits lingots d’or japonais, qui touts ensemble ne pesaient pas plus de six onces ou environ ; mais ce cadeau n’approchait pas de la valeur des zibelines, dont je trouvai vraiment, à mon arrivée en Angleterre, près de 200 livres sterling. Il accepta le thé, une des pièces de damas et une des pièces d’or au coin japonais, portant une belle empreinte, qu’il garda, je pense, pour sa rareté ; mais il ne voulut rien prendre de plus, et me fit savoir par mon serviteur qu’il désirait me parler.

Quand je me fus rendu auprès de lui, il me dit que je savais ce qui s’était passé entre nous, et qu’il espérait que je ne chercherais plus à l’émouvoir ; mais puisque je lui avais fait une si généreuse offre, qu’il me demandait si j’aurais assez de bonté pour la transporter à une autre personne qu’il me nommerait, et à laquelle il s’intéressait beaucoup. Je lui répondis que je ne pouvais dire que je fusse porté à faire autant pour un autre que pour lui pour qui j’avais conçu une estime toute particulière, et que j’aurais été ravi de délivrer ; cependant, s’il lui plaisait de me nommer la personne que je lui rendrais réponse, et que j’espérais qu’il ne m’en