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détresse, jetés sur leur chaloupe au milieu de l’Océan : alternative d’où je ne pouvais sortir à cause de l’obscurité de la nuit. Toutefois, pour les diriger de mon mieux, je donnai l’ordre de suspendre touts les fanaux que nous avions à bord, et on tira le canon toute la nuit. Par là nous leur faisions connaître qu’il y avait un bâtiment dans ce parage.

Vers huit heures du matin, à l’aide de nos lunettes d’approche, nous découvrîmes les embarcations du navire incendié, et nous reconnûmes qu’il y en avait deux d’entre elles encombrées de monde, et profondément enfoncées dans l’eau. Le vent leur étant contraire, ces pauvres gens ramaient, et, nous ayant vus, ils faisaient touts leurs efforts pour se faire voir aussi de nous.

Nous déployâmes aussitôt notre pavillon pour leur donner à connaître que nous les avions apperçus, et nous leur adressâmes un signal de ralliement ; puis nous forçâmes de voile, portant le cap droit sur eux. En un peu plus d’une demi-heure nous les joignîmes, et, bref, nous les accueillîmes touts à bord ; ils n’étaient pas moins de soixante-quatre, tant hommes que femmes et enfants ; car il y avait un grand nombre de passagers.

Enfin nous apprîmes que c’était un vaisseau marchand français de 300 tonneaux, s’en retournant de Québec, sur la rivière du Canada. Le capitaine nous fit un long récit de la détresse de son navire. Le feu avait commencé à la timonerie, par la négligence du timonier. À son appel au secours il avait été, du moins tout le monde le croyait-il, entièrement éteint. Mais bientôt on s’était apperçu que quelques flammèches avaient gagné certaines parties du bâtiment, où il était si difficile d’arriver, qu’on n’avait pu complètement les éteindre. Ensuite le feu, s’insinuant entre les couples et dans le vaigrage du vaisseau, s’était étendu