Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/99

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ferme, comme je le croyais alors, pour chercher les compagnons de l’Espagnol, afin de les tirer du malheur où ils étaient, afin de les secourir pour le présent, et d’inventer ensemble par la suite, si faire se pouvait, quelques moyens de délivrance.

Quand je les envoyai ma délivrance n’avait aucune probabilité, rien ne me donnait lieu de l’espérer, pas plus que vingt ans auparavant ; bien moins encore avais-je quelque prescience de ce qui après arriva, j’entends qu’un navire anglais aborderait là pour les emmener. Aussi quand ils revinrent quelle dut être leur surprise, non-seulement de me trouver parti, mais de trouver trois étrangers abandonnés sur cette terre, en possession de tout ce que j’avais laissé derrière moi, et qui autrement leur serait échu !

La première chose dont toutefois je m’enquis, — pour reprendre où j’en suis resté, — fut ce qui leur était personnel ; et je priai l’Espagnol de me faire un récit particulier de son voyage dans la pirogue à la recherche de ses compatriotes. Il me dit que cette portion de leurs aventures offrait peu de variété, car rien de remarquable ne leur était advenu en route : ils avaient eu un temps fort calme et une mer douce. Quant à ses compatriotes, ils furent, à n’en pas douter, ravis de le revoir. — À ce qu’il paraît, il était le principal d’entre eux, le capitaine du navire sur lequel ils avaient naufragé étant mort depuis quelque temps. — Ils furent d’autant plus surpris de le voir, qu’ils le savaient tombé entre les mains des Sauvages, et le supposaient dévoré comme touts les autres prisonniers. Quand il leur conta l’histoire de sa délivrance et qu’il était à même de les emmener, ce fut comme un songe pour eux. Leur étonnement, selon leur propre expression, fut semblable à celui des frères de Joseph lorsqu’il se découvrit à eux et leur raconta l’his-