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LECONTE DE LISLE.

Leconte de Lisle nous rappelle parfois un de ces demi-dieux de l’histoire mythologique, parvenus sublimes, qui effaçaient leur origine mortelle pour ne laisser éclater que leur céleste naissance dans le rayonnement de leurs triomphes, et qui s’élançaient de la terre délivrée ou de l’Hadès asservi vers l’Olympe qu’ils s’étaient ouvert. Ainsi l’auteur des Poésies antiques et des Poëmes barbares, venu après Hugo, Musset, Gautier, Lamartine, a su créer dans un art où l’effort des maîtres semblait n’avoir rien laissé à découvrir.

Se permettre d’être autre chose qu’un brillant oiseau moqueur sifflant les thèmes d’autrui avec des variations séduisantes, c’était porter un orgueilleux défi à la banalité, à l’habitude, ces tristes reines du monde. Voilà pourtant ce qu’a fait depuis dix ans Leconte de Lisle. Se dressant un beau jour devant un public qui n’attendait des poètes que parodies convaincues des Feuilles d’automne ou contrefaçons impertinentes de Rolla, pour s’arroger le droit de décréter la mort finale de la Poésie, il n’a osé rien de