Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, I.djvu/129

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et ſi vous auiez beſoin d’argent, ou de quoy que ce ſoit, il vous en fourniroit, en ſorte que vous ne deuez conter pour la difficulté du voyage que iuſqu’à Calais. Si vous auez aufïi quelques meubles qu’il vous falluft 5 laiſſer à Paris, il vaudroit mieux les apporter, au moins les plus vtiles ; car ſi vous venez, ie prendray vn logis entier pour vous & pour moy, où nous pourrons viure à noſtre mode & à noſtre aiſe. N’eſtoit que ie ne vous ſçaurois faire donner d’argent à Paris, ſans 10 mander où ie ſuis (ce que ie ne deſire pas), ie vous prierois auſſi de m’apporter vn petit lit de camp ; car les lits d’icy font fort incommodes, & il n’y a point de mate|las. Mais ſi vous eſtes en doute de venir, venez pluſtoſt tout nud que d’y manquer. Ie ſerois pourtant bien-aiſe 15 d’apprendre que ce fuſt l’abondance & la commodité qui vous en empeſchaſt ; mais ſi c’eſtoit la neceſſité, ie croyrois que vous auriez manque de courage, car il n’y a rien qui vous y doiue ſi-toſt faire reſoudre ; et meſme vne mediocre fortune, ou bien de légères 20 eſperances ne vous doiuent pas retarder, ſi vous auez l’ambition de faire quelque choſe qui paſſe le commun : car toutes mes regles sont fauſſes, ou bien, ſi vous venez, ie vous donneray moyen d’executer de plus grandes choſes que vous n’eſperez. En tout cas, ie 25 vous prie de m’écrire ſi-toſt que vous aurez receu celle-cy. Au reſte, ie vous prie que perſonne ne ſçache que ie vous ay écrit, non pas meſme Monſieur Mydorge, encore que ie ſois bien fort ſon ſeruiteur ; mais ie ſuis en lieu où ie ne luy ſçaurois rendre aucun ſeruice. Et 30 meſme ſi vous venez, vous deuez ſouhaitter que perſonne n’en ſçache rien ; car ſi vous faites quelque choſe