Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, I.djvu/194

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c’eſt pour l’écriture : à ſçauoir, qu’il fiſt imprimer vn gros dictionnaire en toutes les langues auſquelles il voudroit eſtre entendu, & miſt des caracteres communs pour chaque mot primitif, qui répondiſſent au ſens, & non pas aux ſyllabes, comme vn meſme 5 caractere pour aymer, amare, & φιλεῖν ; et ceux qui auroient ce dictionnaire, et ſçauroient ſa grammaire, pourroient en cherchant tous ces caracteres l’vn apres l’autre interpreter en leur langue ce qui ſeroit écrit. Mais cela ne ſeroit bon que pour lire des myſteres & 10 des reuelations ; car pour d’autres choſes, il faudroit n’auoir guéres à faire, pour prendre la peine de chercher tous les mots dans vn dictionnaire, & ainſi ie ne voy pas cecy de grand vſage. Mais peut-eſtre que ie me trompe ; ſeulement vous ay-je voulu écrire tout ce 15 que ie pouuois conjecturer ſur ces ſix proportions que vous m’auez enuoyées, afin que lors que vous aurez vu l’inuention, vous puiſſiez dire ſi ie l’auray bien déchifrée.

Au reſte, ie trouue qu’on pourroit adjouter à cecy 20 vne inuention, tant pour compoſer les mots primitifs de cette langue, que pour leurs caracteres ; en ſorte qu’elle pourroit eſtre enſeignée en fort peu de tems, & ce par le moyen de l’ordre, c’eſt à dire, établiſſant vn ordre entre toutes les penſées qui peuuent entrer 25 en l’eſprit humain, de meſme qu’il y en a vn naturellement étably entre les nombres ; et comme on peut aprendre en vn iour à nommer tous les nombres iuſ|ques à l’infiny, & à les écrire en vne langue inconnuë, qui ſont toutesfois vne infinité de mots differens, qu’on 30 puſt faire le meſme de tous les autres mots ne-