Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, I.djvu/668

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l’eau eſtoient durs & ſolides comme le criſtal, & immobiles, vous pourriez peut-eſtre auoir quelque apparence de raiſon ; mais eſtant de nature fluide & facile à mouuoir & agiter, lors qu’ils ſont agitez par les vents, cette rectitude de pores ne peut pas ſubſiſter, 5 mais il ſe fait confuſion du ſolide de l’air, ou de celuy de l’eau, auec ſes pores. Et partant, la matiere ſubtile qui tranſmet la Lumiere trouuant de l’obſtacle en tous les pores où elle entre, il s’enſuit qu’en plein midy, l’air eſtant fort ſerein, mais agité de vens, on 10 ne verra goutte, ou au moins on verra plus obſcurement & confuſement, (qui ſont deux conſequences contraires à l’experience), ou enfin que voſtre hypotheſe des pores droits pour le paſſage de la matiere ſubtile, & traiet de la Lumiere, eſt ſuperfluë. Cecy 15 peut-eſtre paroiſtra plus clairement par cette queſtion que ie vous fais. Suppoſons que de nuit vous ſoyez en raſe campagne, & quauec vos lunettes vous voyez à vne lieuë de vous vn ver luiſant, ou vne étincelle, & que de voſtre coſté vers l’étincelle il ſoufle vn vent 20 fort vehement, ie vous demande : qui pouſſe le plus la matiere ſubtile contenue dans les pores de l’air qui eſt entre vous & l’étincelle ? ou le vent, ou la lumiere de l’étincelle ? Et ie croy que vous répondrez qu’il ne ſe fait aucun pouſſement de matiere, depuis l’étincelle 25 vers vous ; mais qu’au contraire tout l’air deſigné cy-deſſus, enſemble ſes pores, & toute la matiere y contenue, ſont pouſſez depuis vous vers l’étincelle, voire auec telle violence, que tant s’en faut qu’elle puiſſe ſurmonter le vent à pouſſer, qu’au contraire elle-même- 30

11 au] du. — 27 deſſus] deuant.