Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, I.djvu/86

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Cependant, le 15 novembre 1638, il écrivait à Mersenne : « le vous remercie de ce qu’il vous plaist en corriger les fautes (il s’agit de la Dioptrique), et si vous prenez la peine de les marquer toutes en vostre exemplaire, afin de nous l’enuoyer, en cas qu’on en face vne seconde impression, vous m’obligerez ; car en ce qui est de la langue et de l’ortographe, ie ne désire rien tant que de suiure l’vsage ; mais il y a si long tems que ie suis hors France, que ie l’ignore en beaucoup de choses. » Enfin après avoir déjà, à propos de la Méthode et des Essais, dit qu’il ne voudrait conseiller à personne d’apprendre l’orthographe française « dans un liure imprimé à Leyde », il répète encore à Mersenne, le 9 février 1639 : Vous m’obligez de la peine que vous prenez de corriger les fautes de l’ortographe, en quoy ie ne désire rien tant que de suiure


    semble que l’on feroit mieux de n’vser que des lettres qui se doiuent prononcer, afin de conformer l’escriture à la parole, comme la parole à la pensée : de là vient que plusieurs commencent à escrire comme l’on parle ; par exemple, ils mettent la lettre a dans tous les lieux où e se prononce comme a, comme annemy et Parlemant, au lieu d'ennemy et Parlement, et ostent tous les b, les c, les s et les t, qui ne se prononcent pas. » Mais ceux qui veulent que l’on retienne l’origine de nostre langue et que l’on se souuienne tousiours qu’elle vient du Latin, les estiment barbares, et retiennent volontiers les dicts et les faicts, au lieu que les autres escriuent les dis et les fais, etc. Quant à moy, i’estime qu’il est plus à propos d’euiter toute sorte de superfluité, et de n’vser pas de 5 ou 6 lettres, où il n’en faut que 3 ou 4 ; de mesme que l’on ne doit pas user de 5 ou 6 paroles, où il n’en faut qu’une ou deux, afin d’imiter la nature qui suit le chemin le plus court quand elle agit. Ce que i’entends lors que cela se peut faire commodement, et qu’en le faisant, l’on n’offence personne : car il est certain que nous prononçons plusieurs dictions, qui ne se peuuent escrire comme elles sont proferées ; par exemple, l’on ne peut escrire auec nos characteres ordinaires la troisiesme personne pluriere du preterit imparfait de nos verbes, sans y mettre des lettres superfluës qui ne se prononcent pas, comme l’on void en ces deux mots, ils deuoient, ils rendoient, dans lesquels les six dernières lettres ne font qu’vne syllabe, de sorte qu’il faudroit les escrire auec vne ê circonflexe en ceste façon, deuêt, rendêt, pour les prononcer comme l’on parle maintenant. C’est à quoy Baïf essaya à remedier sous Charles IX et Henry III, ce qu’ont encore fait depuis luy le sieur de la Val, dans sa Paraphrase des Psalmes, le Pere Monet dans son Dictionnaire, et quelques autres. »