Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, III.djvu/404

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ſurer mes armes auec les ſiennes[1], & d’eprouuer mes forces contre luy. Ie vous auoüe que ie prendrois vn ſingulier plaiſir d’auoir à faire auec des perſonnes d’eſprit comme luy, ſi, par ce qu’il m’en a fait paroiſtre, il ne me ſembloit deſia trop engagé ; mais ie crains 5 fort[2] qu’à ſon égard tout mon trauail ne ſoit inutile, & que, quelque ſoin que ie prenne pour le ſatisfaire, & pour taſcher de le retirer du mal-heureux engagement où ie le voy, il ne s’y replonge plus auant de luy-meſme, en cherchant les moyens de me contredire. 10

Eſt-il croyable qu’il nait pu comprendre, comme il dit, ce que i’entens par l’idée de Dieu, par l’idée de l’Ame, & par les idées des choſes inſenſibles[3], puiſque ie n’entens rien autre choſe, par elles, que ce qu’il a dû neceſſairement comprendre luy meſme, quand il vous 15 a écrit qu’il ne l’entendoit point ? Car il ne dit pas qu’il n’ait rien conceu par le nom de Dieu, par celuy de l’Ame, & par celuy des choſes inſenſibles ; il dit ſeulement qu’il ne ſçait pas ce qu’il faut entendre par leurs idées. Mais s’il a conceu quelque choſe par ces noms, 20 comme il n’en faut point douter, il a ſceu en meſme temps ce qu’il falloit entendre par leurs idées, puis qu’il ne faut entendre autre choſe que cela meſme qu’il a conceu. Car ie n’appelle pas ſimplement du nom d’idée les images qui font depeintes en la fantaiſie 25 ; au contraire, ie ne les appelle point de ce nom, en tant qu’elles ſont dans la fantaiſie corporelle ; mais i’appelle generalement du nom d’idée tout ce qui eſt

  1. Clerselier a imprimé Sciences.
  2. Mot ajouté dans l’errata de Clerselier.
  3. Voir ci-avant p. 376, l. 2-3.