Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IV.djvu/544

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5 3° Correspondance. i, 5 7 -s8.

l'ay toufiours éprouuée plus fauorable, ayant d'ail- leurs des fuiets de ioye, que lors que i'en auois de trifteffe. Et ce qu'on nomme communément le génie de Socrate*, n'a fans doute elle autre chofe, finon qu'il auoit accoutumé de fuiure fes inclinations inte- 5 rieures, & penfoit que l'euenement de ce qu'il entre- prenoit feroit heureux, lors qu'il auoit quelque fecret fentiment de gayeté, &, au contraire, qu'il feroit mal- heureux, lors qu'il efloit trifte. Il efl vray pourtant que. ce feroit eftre fuperftitieux, de croire autant à 10 cela, qu'on dit qu'il faifoit; car Platon raporte de luy a que mefme il demeuroit dans le logis, toutes les fois que fon génie ne luy confeilloit point d'en fortir. Mais, touchant les actions importantes de la vie, lois qu'elles fe rencontrent fi douteufes, que la prudence i5 ne peut enfeigner ce qu'on doit faire, il me femble qu'on a grande raifon de fuiure le confeil de fon génie, & qu'il efl vtile d'auoir vne forte perfuafion que les chofes que nous entreprenons fans répu- gnance, & auec la liberté qui accompagne d'ordi- 20 naire la ioye, ne manqueront pas de nous bien reùffir. Ainfi i'ofe icv exhorter voftre AltefTe, puis qu'elle fe rencontre en vn lieu où les obiets prefens ne luy donnent que de la fatisfa&ion, qu'il luy plaife aufli contribuer du fien, pour tafcher à fe rendre contente; *5 ce qu'elle peut, ce me femble, aifement, en n'arref- tant fon efprit qu'aux chofes prefentes, & ne pen- fant iamais aux affaires, qu'aux heures où le courier efl prefl de partir. Et i'eftime que c'eft vn bonheur que les Hures de voftre AltefTe n'ont pu luy eftre 3o

a. Platon, Apologie de Socrate. p. 3i d.

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