Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IV.djvu/596

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582 Correspondance.

porte prefque feule*. Au lieu que. dans plufieurs autres cours, on ne traite d'affaires qu'avec les Miniftres. icy nous n avons à rendre compte qu'à la Reine, & à prendre les réponfes de fa bouche. En quov elle ejlfi adroite, que fon âge & fon peu d'expérience ne donnent aucun avan- 5 tage à ceux qui luy parlent, fon jugement fuppléant'a tout ce qui peut luy manquer dans l'ufagc des affaires.

Mais je ne veux vous parler d'elle maintenant .que pour vous dire qu'elle vous connoît tel que tout le monde vous doit connoître, & qu'elle entendroit auffi facilement que 10 perfonne tous vos principes, ayant le fentiment merveil- leujement détaché de la fervitude des opinions populaires. fi le fardeau du gouvernement d'un grand Etat luy laiffoit a Jf e l de têms pour en donner a ces méditations. Dans les momens quelle peut retrancher- du foin des affaires pu- n bliques, & fouvent après les audiances qu elle m'a don- nées pour les affaires du Roy, elle s'égare dans des entre- tiens qui pafferoient pour trés-férieux entre les fçavans; & je vous affure qu'il faut parler devant elle avec grande circonfpeclion . 20

La dernière fois que j'eus l'honneur de la voir, clic tomba, par l'occafon d'vne affaire, fur une quejlion dont elle m'obligea de dire mon fentiment. La quejlion étoit de fçavoir, quand on ufe mal de l'Amour ou de la Haine, lequel de ces deux déréglemens ou mauvais ufages étoit le 2 5 pire. Le terme d'Amour étoit entendu a la manière des Philofophes, & non pas comme on le fait fonnerji fouvent aux oreilles des filles, & la quejlion étoit générale. I'ofav, en cette rencontre, prendre un parti contraire àj'a penfée, & cette conteflation luy fit dire plufieurs chofes d'une 3o

j. En marge : s Elle n'avoit pourtant alors que 19 ans. »

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