Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IV.djvu/620

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6o6 Correspondance. i, nom.

que, d'autant que l'amour neftoit caufée, auant la naiflance, que par vn aliment conuenable qui, entrant abondamment dans le foye, dans le cœur & dans le poumon, y excitoit plus de chaleur que de coutume, de là vient que maintenant cette chaleur accompagne tou- 5 fiours l'amour 3 , encore qu'elle vienne d'autres caufes fort différentes. Et fi ie ne craignois d'eftre trop long, ie pourrois faire voir, par le menu, que toutes les autres difpofitions du corps, qui ont efté au commen- cement de noftre vie auec ces quatre paffions, les jo acompagnent encore. Mais ie diray feulement que ce font ces fentimens confus de noftre enfance, qui, de» meurans ioints auec les penfées raifonnables par lef- quelles nous aimons ce que nous en iugeons digne, font caufe que la nature de l'amour nous eft difficile i5 à connoiftre. A quoy i'adioute que plufieurs autres paf- fions, comme la ioye, la triftefle, le defir, la crainte, l'efperance &c, fe mêlant diuerfement auec l'amour, empefchent qu'on ne reconnoiffe en quoy c'eft pro- prement qu'elle contifte. Ce qui eft principalement 20 remarquable touchant le defir; car on le prend fi or- dinairement pour l'amour, que cela eft caufe 'qu'on a diftingué deux fortes d'amours : l'vnc qu'on nomme amour de Bien-veillance, en laquelle ce defir ne pa- roift pas tant, & l'autre qu'on nomme amour de Con- 25 cupifeence, laquelle n'eft qu'vn defir fort violent, fondé fur vn amour qui fouuent eft foible.

Mais il faudrait écrire vn gros volume pour traitter de toutes les chofes qui appartiennent à cette paf- fion ; & bien que fon naturel foit de faire qu'on fe 3o

a. Clers. : l'ame.

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