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74 OEuvRES DE Descartes. 92-93.

per/câioiis que ie n'ay pas. Oti, comme dit Saint Denis, au Chapitre aiiquiefme des Noms divins : il y a quelque nature qui ne pofTcde pas l'eftre à la façon des autres choies, mais qui embraffe & contient en Iby tres-fimplement, & fans aucune circonfcription, tout ce qu'il y a d'effence dans l'eftre, & en qui toutes chofes font renfermées comme dans vne caufe première & vniuerfelle".

117 Mais ie fuis icy contraint de m'arrejier vu peu, de peur de | me fatiguer trop ; car i'ay defia l'efprit aujfi agité que lejlotant Euripc. l'accorde, ie nie, i'approuue, ie réfute, ie ne veux pas m'efoigner de l'opinion de ce grand homme, & toutesfois ie ny puis con/entir. Car, ie vous prie, quelle caufe requiert vne idée ? Ou dites-moy ce que c'efl qu'idée? C'eft donc la chofe penfée, en tant qu'elle eft objeftiue- ment dans l'entendement. Mais qu'eft-ce qu'eflre objeâiuement dans l'entendement? Si ie l'a/ bien appris, c'efl terminer à la façon d'vn objet l'aâe de l'entendement, ce qui en effeâ n'efl qu'vne dénomina- tion extérieure, & qui n'adjoujlerien de réel à la chofe. Car, tout ainf qu'eflre veu n'efl en moj- autre chofe f non que l'aâe que la vif on tend vers moj', de mefme efre penfé, ou efre objeâiuement dans l'entendement, c'efl terminer & arrefler en foy la penfée de l'efprit; ce qui fe peut faire fans aucun mouuement & changement en la chofe, voire mefme fans que la chofe foit. Pourquof donc recher- chaj'-je la caufe d'vne chofe, qui aâuellement n'efl point, qui n'ef qu'vne fimple dénomination & vn pur néant?

Et neantmoins, dit ce grand efprit, afin qu'vne idée contienne vne realité objeftiue, pluftoft qu'vne autre, elle doit fans doute auoir cela de quelque caufe. Au contraire, d'aucune; car la realité objeâiue efl vne pure dénomination ; aâuellement elle n'ejl point. \ Or l'influence que donne vne caufe efl réelle & aâuelle; ce qui aâuelle- ment n'ejl point, ne la peut pas receuoir, & partant ne peut pas

118 dépendre ny procéder \ d'aucune véritable caufe, tant s'en faut qu'il en requière. Doncques i'ay des idées, mais il n'y a point de caifes de ces idées ; tant s'en faut qu'il y en ait vne plus grande que moy & infinie^\

Mais quelqu'vn me dira peut-eflre : fi vous ne donne\point la caufe des idées, donne\ au moins la raifon pourquoy cette idée contient pliitofi cette réalité objeâiue que celle-là. C'efl très-bien dit ; car ie n'ay pas couflume d'ejlre referu-é auec mes amis, mais ie traitte auec eux libéralement. le dis l'niuerfellement de toutes les idées ce que

a. Non à la ligne (/" édit.).

b. Idem.

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