Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/115

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1,1-1,3. Premières Réponses. 89

l'exprime pas en termes affez propres, & qu'on n'olte pas la diffi- culté ; car, à proprement parler, la limitation eit feulement vne né- gation d'vne plus grande perfeflion, laquelle négation n'elt point par vne caufe, mais bien la choie limitée. Et encore qu'il ibit vray que toute choie eft limitée par vne caufe, cela neantmoins n'eft pas de foy manifefle, mais il le faut prouuer d'ailleurs. Car, comme ré- pond fort bien ce fubtil Théologien, vne chofe peut eflre | limitée en deux façons, ou parce que celuy qui l'a produite ne luy a pas donné plus de perfedions, ou parce que fa nature eft telle qu'elle n'en peut receuoir qu'vn certain nombre, comme il eft de la nature du triangle de n'auoir pas plus de trois coftez. Mais il me femble que c'eft vne chofe de foy éuidente & qui n'a pas befoin de preuue, que tout ce qui exifte, eft ou par vne caufe, ou par foy comme par vne caufe; car puifque nous conceuons & entendons fort bien, non feulement l'exiftence, mais aufli | la négation de l'exiftence, il n'y a 143 rien que nous puiiïions feindre eftre tellement par foy, qu'il ne faille donner aucune raifon pourquoy plutoft il exifte, qu'il n'exifte point; & ainfi nous deuons toufiours interpréter ce mot ejlre par foy pofi- tiuement, & comme fi c'eftoit eftre par vne caufe, à fçauoir par vne furabondance de fa propre puillance, laquelle ne peut eftre qu'en Dieu feul, ainfi qu'on peut ayfcment démontrer.

Ce qui m'eft enfuite accordé par ce fçauant Dodeur, bien qu'en effecl il ne reçoiue aucun doute, eft neantmoins ordinairement fi peu confideré, & eft d'vne telle importance pour tirer toute la Philofri- phie hors des ténèbres où elle femble eftre enfeuelie, que lorfqu'il le confirme par fon authorité, il m'ayde beaucoup en mon deffein.

Et il demande icy, auec beaucoup de raifon, fi ie connois claire- ment & diftindement l'infiny ; car bien que i'aye taché de preuenir cette objedion, neantmoins elle fe prefente fi facilement à vn cha- cun, qu'il eft necefl'aire que i'y réponde vn peu amplement. C'eft pourquoy ie diray icy premièrement que l'infiny, en tant qu'infiny, n'eft point à la vérité compris, mais que neantmoins il eft entendu; car, entendre clairement & diftindement qu'vne chofe foit telle qu'on ne puilfe y rencontrer de limites, c'eft clairement entendre qu'elle eft infinie. | Et ie mets icy de la diftindion entre Vindejinj- & Vinjiiiy. Et il n'y a rien que ie nomme proprement infiny, finon ce en I quoy de toutes parts ie ne rencontre point de limites, auquel 144 fens Dieu feul eft infiny. Mais les choies efquelles fous quelque con- fideration feulement ie ne voy point de fin, comme l'étendue des efpaces imaginaires, la multitude des nombres, la diuifibilité des parties de la quantité & autres choies femblables, ie les appelle Œuvres. IV. 12

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