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ii4-'i6. Premières Réponses. 91

dit cela qu'en deux endroits. En l'vn defquels il eltoit queftion de fçauoir fi quelque cliofe de réel eftoit contenu dans l'idée que nous formons de Dieu, ou bien s'il n'y auoit qu'vne négation de chofe (ainfi qu on peut douter fi, dans l'idée du froid, il n'y a rien qu'vne négation de chaleur), ce qui peut aifement eftre connu, encore qu'on ne comprenne pas l'infiny. Et en l'autre, i'ay maintenu que l'exi- ftence n'apartenoit pas moins à la nature de l'eftre fouuerainement parfait, que trois collez | apartiennent à la nature du triangle : ce qui le peut auiîi affez entendre, fans qu'on ait vne connoiffance de Dieu 11 étendue, qu'elle comprenne tout ce qui eft en luy.

Il compare icy derechef vn de mes argumens auec vn autre de Saint Thomas, aîfin de m'obliger en quelque façon de monftrer le- quel des deux a le plus de force. Et il me lemble que ie le puis faire fans beaucoup d'enuie, parce que Saint Thomas ne s'ert pas feruy de cet argument comme fien, & il ne conclut pas la mefme chofe que celu}' dont ie me fers; & enfin, ie ne m'éloigne icy en aucune façon de l'opinion de cet Angélique Dodeur. Car on luy demande, fçauoir, fi la connoiffance de l'exiflence de Dieu eflfi natu- relle à l'efprit humain qu'il ne foit point befoin de la prouuer, c'eft à dire fi elle eft claire & manifen:e à vn chacun ; ce qu'il nie, & moy auec luy. Or l'argument qu'il s'objecte à foy-mefme, fe peut ainfi propofer. Lorfqu'on comprend | & entend ce que fignifie ce nom 147 Dieu, on entend vne chofe telle que rien de plus grand ne peut eftre conceu ; mais c'eft vne chofe plus grande d'eftre en effecl & dans l'entendement, que d'eftre feulement dans l'entendement; doncques, lorfqu'on comprend & entend ce que fignifie ce nom Dieu, on en- tend que Dieu eft en effect & dans l'entendement : où il y a vne faute manifefte en la forme, car on deuroit feulement conclure : doncques, lorfqu'on comprend & entend ce que fignifie ce nom Dieu, on entend qu'il fignifie vne chofe qui eft en effect & dans l'en- tendement ; or ce qui eft fignifie par vn mot, ne paroift pas pour cela eftre vray. Mais mon argument a efté tel : ce que nous conceuons clairement & diftinclement apartenir à la nature, ou à l'eCfence, ou à la forme immuable & vraye de quelque chofe, cela peut eftre dit ou affirmé auec vérité de cette chofe ;| mais après que nous auons affez foigneufement recherché ce que c'eft que Dieu, nous conceuons clairement & diftinclement qu'il apartient à fa vrave & immuable nature qu'il exifte ; doncques alors nous pouuons affirmer auec vé- rité qu'il exifte. Où du moins la conclufion eft légitime. Mais la maieure ne fe peut aufli nier, parce qu'on eft défia tombé d'accord cy-deuant, que tout ce que nous entendons ou conceuons claire-

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