Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/125

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125-126. Secondes Objections. pc)

encore que vous e/fes rue cliofe qui penfe, puifque, félon vous, ce/le cojinoiffance dépend de la connoi[fance claire d'rii Dieu exijlanl, la- quelle vous n'aue\ pas encore demonftrée, aux lieux oii vous con- cluei que l'ous connoijfe^ clairenienl ce que vous ejles. Adjoufte\ à cela qu'vn Athée connoijl clairement & di/iinâement que les trois angles d'vn triangle font égaux à deux droits, qiioy que neanlmoins il fait fort efloigné de croire l'exiftence de Dieu, puifqu'il la nie tout à fait : parce, dit-il, que fi Dieu cxifloit, ily\auroit m fouuerain eflre 161 & vu fouuerain bien, c'efl à dire vn inftnj- ; or ce qui efl infiny en tout genre de perfeâion exclut toute autre cliofe que ce fait, non feu- lement toute forte d'efre & de bien, mais aiifji toute forte de non eftre & de mal; & neantmoins il y a plufieurs eflres & plufieurs biens, comme auffi plufieurs non eflres €■■ plufieurs maux ; à laquelle objeâion nous iugeons qu'il efl à propos que vous répondiCy, afin qu'il ne refle plus rien aux impies à objeâcr, & qui puijfe feruir de prétexte à leur impieté.

En quatrième lieu, vous nie^ que Dieu puiffe mentir ou deceuoir; quoj que neantmoins il fe irouue des Scolqfiiques qui liennenl le con- traire, comme Gabriel, Ariminenfts, & quelques autres, qui penfent que Dieu meni, abfohiment parlant, c'efl à dire qu'il fignifïe quelque chofe aux hommes contre fou intention, & contre ce qu'il a décrété & refolu, comme lorfque, fans adioufler de condition, il dit aux Nini- uites par fon Propliete : Encore quarante iours, & Niniue fera fub- uertie, & lorfqu'il a dit plufieurs attires chofes qui ne font point arriuées, parce qu'il n'a pas voulu que telles paroles répoiidijfenl à fon intention ou à fon décret. Que s'il a endurcy & aueuglé Pharaon, & s'il a mis dans les Prophètes | vn efprit de menfonge, comment pouue'i < vous > dire que nous ne pointons eftre trompe^ par luj ? Dieu ne peut-il pas fe comporter enuers les hommes, comme vn mé- decin enuers fes malades, & vn père enuers f es ejifans, lefquels l'vn & l'autre trompent Jifouiient, \ mais toitfiours auec prudence & vtilité? 162 Carfi Dieu nous mon/lroit la vérité toute nue, quel œil ou pluflofl quel efprit aurait ajfe'{ de force pour la fupporter ?

Combien qu'à vray dire il nefoitpas neceffaire de feindre vn Dieu trompeur, afin que vous fojei deceu dans les chofes que vous penfe\ connoiflre clairement & difiindemenl, veu que la caufe de cette décep- tion peut eflre en vous, quoy que vous n'y fongie^ feulement pas. Car que fçaue^-vous fi vofire nature n'cft point telle qu'elle fe trompe touf- jours, ou du moins fort fouuent ? El d'oît aue--vous apris que, lou- chant les chofes que vous penfe\ connoiflre clairement & diflincle- menl. il efl certain que vous n'ejlcs iamais trompé, & que vous ne le