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Secondes Objections.

&c. Mais on eſt en queſtion de la mineure, à ſçavoir, qu’il n’implique point qu’il exiſte, la verité de laquelle quelques vns de nos aduerſaires reuoquent en doute, & d’autres la nient. Dauantage, cette clauſe de voſtre raiſonnement (aprés que nous auons aſſez clairement reconnu ou obſerué ce que c’eſt que Dieu) eſt ſupoſée comme vraye, dont tout le monde ne tombe pas encore d’accord, veu que vous auoüez vous-meſme que vous ne comprenez l’infiny qu’imparfaitement ; le meſme faut-il dire de tous ſes autres attributs : car, tout ce qui eſt en Dieu eſtant entierement infiny, quel eſt l’eſprit qui puiſſe comprendre la moindre choſe qui ſoit en Dieu, que tres-imparfaitement ? Comment donc pouuez-vous avoir aſſez clairement et diſtinctement obſerué ce que c’eſt que Dieu ?

En ſeptiéme lieu, nous ne trouuons pas vn seul | mot dans vos Meditations touchant | l’immortalité de l’ame de l’homme, laquelle neantmoins vous deuiez principalement prouuer, & en faire vne tres-exacte démonſtration pour confondre ces perſonnes indignes de l’immortalité, puiſqu’ils la nient, et que peut-eſtre ils la deteſtent. Mais, outre cela, nous craignons que vous n’ayez pas encore aſſez prouué la diſtinction qui est entre l’ame et le corps de l’homme, comme nous auons deſia remarqué en la premiere de nos obſeruations, à laquelle nous adjouſtons qu’il ne ſemble pas que, de cette diſtinction de l’ame d’auec le corps, il s’enſuit qu’elle ſoit incorruptible ou immortelle ; car qui ſçait ſi ſa nature n’eſt point limitée ſelon la durée de la vie corporelle, et si Dieu n’a point tellement meſuré ſes forces & ſon exiſtence, qu’elle finiſſe auec le corps ?

Voila, Monſieur, les choſes auſquelles nous deſirons que vous aportiez vne plus grande lumiere, afin que la lecture de vos tres-ſubtiles ,& , comme nous eſtimons, tres-veritables Meditations ſoit profitable a tout le monde. C’eſt pourquoy ce ſerait vne choſe fort vtile, si, à la fin de vos ſolutions, aprés auoir premierement auancé quelques definitions, demandes & axiomes, vous concluyez le tout ſelon la methode des Geometres, en laquelle vous eſtes ſi bien verſé, afin que tout d’vn coup, et comme d’vne ſeule œillade, vos Lecteurs y puiſſent voir de quoi ſe ſatisfaire, & que vous rempliſſiez leur eſprit de la connoiſſance de la diuinité.


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