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io8 Œuvres de Descartes. i36-i38.

quelque cho/e qui nous éleiie iufqu'à la connoijfance de l'eftre imma- tériel ou fpiriluel, \ ie ne puis mieux faire que de vous renuoj'er à ma féconde Méditation, afin qu'au moins vous connoilTiez qu'elle n'eft pas tout à fait inutile ; car que pourois-je faire icy par vne ou deux périodes, fi ie n'ay pu rien nuancer par vn long difcours pré- paré feulement pour ce fujet, & auquel il me fcmble n'auoir pas moins apporté d'induftrie qu'en aucun autre efcrit que i'aye publié?

Et encore qu'en cette Méditation i'aye feulement traité de l'efprit humain, elle n'eft pas pour cela moins vtile à faire connoiftre la différence qui eft entre la nature diuine &. celle des chofes maté- rielles. Car ie veux bien icy auoûer franchement que l'idée que nous auons, par exemple, de l'entendement diuin, ne me femble point diferer de celle que nous auons de noftre propre entendement, finon feulement comme l'idée d'vn nombre infiny diffère de l'idée du nombre binaire ou du ternaire; & il en eft de mefme de tous les attributs de Dieu, dont nous reconnoiffons en nous quelque veftige.

Mais, outre cela, nous conceuons en Dieu vne immenfité, fimpli- cité, ou vnité abfoluë, qui embralTe & contient tous fes autres attri- buts, & de laquelle nous ne trouuons ny en nous, ny ailleurs, aucun 178 exemple ; mais elle eft (ainfi que i'ay dit auparauant)lcom;nc' la marque de l'ouiirier imprimée fur fon ouurage. Et, par fon moyen, nous connoiffons qu'aucune des chofes que nous conceuons élire en Dieu & en nous, & que nous confiderons en luy par parties & comme fi elles eftoient diftinfles, àcaufe de la foibleffe de noftre entendement & que nous les expérimentons telles en nous, ne conuiennent point à Dieu & à nous en la façon qu'on nomme vniuoque dans les efcoles. Comme aufli nous connoiffons que, de plufieurs chofes particulières qui n'ont point de fin, dont nous auons les idées, comme d'vne con- noiffance fans fin,d'vnepuin"ance,d'vn nombre, d'vne longueur, &c., qui font aufli fans fin, il y en a quelques-vnes qui font contenues formellement dans l'idée que nous auons de Dieu, comme la con- noilîance & la puiffance, & d'autres qui n'y font qu'éminemment, comme le nombre & la longueur ; ce qui certes ne feroit pas ainfi, | fi cette idée n'eftoit rien autre chofe en nous qu'vne fidlion.

Et elle ne feroit pas aufli conceuë fi exactement de la mefme façon de tout le monde; car c'eft vne chofe tres-remarquable, que tous les Metaphyficiens s'accordent vnanimement dans la defcription qu'ils font des attributs de Dieu (au moins de. ceux qui peuuent eftre con- nus par la feule raifon humaine), en telle forte qu'il n'y a aucune chofe phyfique ny fenfible, aucune chofe dont nous ayons vne idée fi expreffe & fi palpable, touchant la nature de laquelle il ne fe ren-

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