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1 1 2 OEuvRES DE Descartes. 142-143.

En quatrième lieu, lorfque ie dis que Dieu ne peut mentir, ny ejlre trompeur, ie penfe conuenir auec tous les Théologiens qui ont iamais eflé & qui feront à l'auenir. Et tout ce que vous alléguez au contraire n'a pas plus de force, que fi, ayant nié que Dieu le mifl en colère, ou qu'il fuit fujet aux autres palTions de l'ame, vous m'ob- jeftiez les lieux de l'Ecriture où il femble que quelques paflions humaines luy font attribuées.

Car tout le monde connoift affez la diftindion qui eit entre ces façons de parler de Dieu, dont l'Ecriture fe fert ordinairement, qui font accommodées à la capacité du vulgaire & qui contiennent bien quelque vérité, mais feulement en tant qu'elle eft raportée aux hommes, & celles qui expriment vne vérité plus fimple & plus pure & qui ne change point de nature, encore qu'elle ne leur foit point raportée ; dcfqueiles chacun doit vfer en philofophant, & dont i'ay deu principalement me feruir dans mes Méditations, veu qu'en ce lieu-là mefme ie ne fupofois pas encore qu'aucun homme me full connu, & que | ie ne me conliderois pas non plus en tant que

185 compofé de corps & | d'efprit, mais comme vn efprit feulement.

D'où il elt euident que ie n'ay point parlé en ce lieu-là du men- fonge qui s'exprime par des paroles, mais feulement de la malice interne & formelle qui elt contenue dans la tromperie : quoy que ncantmoins ces paroles que vous aportez du Prophète : E)icore quarante iours, & Niniue fera fubuertie, ne foient pas mefme vn menfonge verbal, mais vne fimple menace, dont l'euenement dépen- doit d'vne condition ; & lorfqu'il eft dit que Dieu a endurcf le cceur de Pharaon, ou quelque chofe de femblable, il ne faut pas penier qu'il ait fait cela pofitiuement, mais feulement negatiuement, à fçauoir, ne donnant pas à Pharaon vne grâce eificace pour fe conuertir.

le ne voudrois pas neantmoins condamner ceux qui difcnt que Dieu peut proférer par fes Prophètes quelque menfonge verbal, tels que font ceux dont fe feruent les Médecins quand ils deçoiucnt leurs malades pour les guerrir, c'eft à dire qui fuft exempt de toute la malice qui fe rencontre ordinairement dans la tromperie. Mais, bien dauantage, nous voyons quelquesfois que nous fommcs réel- lement trompez par cet inftind naturel qui nous a efté donné de Dieu, comme lorfqu'vn hydropique a foif ; car alors il eft réelle- ment pouffé à boire par la nature qui luy a el^é donnée de Dieu pour la conferuation de fon corps, quoy que neantmoins cette na- ture le trompe, puifque le boire luy doit eftre nuifible ; mais i'ay

186 expliqué, dans la fixiéme Méditation, cojnmciit cela peut | com- patir aucc la bonté & la vérité de Dieu.

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