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��114 OEuvRES DE Descartes. 145-146.

du tout, & que nous n'en auons pas mefme le moindre foupçon ? Car nous fupofons vne croyance ou vne perluafion fi ferme, qu'eHe ne puiffe eftre ollée; laquelle par confequent eft en tout la mefme chofe qu'vne tres-parfaite certitude. Mais on peut bien douter fi l'on a quelque certitude de cette nature, | ou quelque perfuafion ferme & immuable.

Et certes, il eft manifefte qu'on n'en peut pas auoir des chofes oblcures & confufes, pour peu d'obfcurité ou confufion que nous y remarquions ; car cette obfcurité, quelle qu'elle Ibii, eft vne caufe aflez fuffil'ante pour nous faire douter de ces chofes. On n'en peut pas aufli auoir des chofes qui ne font aperceuës que par les fens, quelque clarté qu'il y ait en leur perception, parce que nous auons iouuent remarqué que dans le fens il peut y auoir de Terreur, comme lorfquVn hydropique a foif, ou que la neige paroift jaune à celuy qui a la jaunilfe ; car celuy-là ne la void pas moins clairement & diftinclement de la forte, que nous à qui elle paroift blanche. Il refte donc que, fi on en peut auoir, ce foit feulement des chofes que l'efprit conçoit clairement & diftinftement.

Or, entre ces chofes, il y en a de fi claires & tout enfemble de fi iimples, qu'il nous eft impoffible de penfer à elles, que nous ne les croyons eftre vrayes : par exemple, que i'exifte lorfque ie penfe, que les chofes qui ont vne fois efté faites ne peuuent pas n'auoir point efté faites, & autres chofes femblables, dont il eft manifefte que l'on a vne parfaite certitude.

Car nous ne pouuons pas douter de ces chofes-là | fans penfer à elles; mais nous n'y pouuons iamais penfer, fans croire qu'elles font vrayes, comme ie viens de dire ; doncques, nous n'en pouuons douter, que nous ne les croyons eftre vrayes, c'eft à dire que nous n'en pouuons iamais douter. 189 I Et il ne fert de rien de dire que nous auons fouuent expérimenté que des perfonnes fe fonl trompées en des chofes qu'elles peu foienl voir plus clairement que le Soleil. Car nous n'auons iamais veu, ny nous ny perfonne, que cela foit arriué à ceux qui ont tiré toute la clarté de leur perception de l'entendement feul, mais bien à ceux qui l'ont prife des fens ou de quelque faux préjugé. Il ne fert de rien auftl que quelqu'vn feigne que ces chofes femblent faulfes à Dieu ou aux Anges, parce que l'euidence de noftre perception ne permettra pas que nous écoutions celuy qui l'aura feint & nous le voudra perfuader.

Il y a d'autres choies que noftre entendem^ent conçoit auffi fort clairement, lorfque nous prenons garde de prés aux raifons d'où

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