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i68 Œuvres de Descartes. 215-216.

iTO}'- & du faux, & non pas de celle qui arriue dans la pourfuite du bien & du mai 285 Car, puifque cela fufit pour le dejfein & le but | de nojlre auteur, & que les chofes qu'il dit icy touchant la caufe de l'erreur foufri- royent de très-grandes obieâions, fi on les étendait aujji à ce qui re- garde la pourfuile du bien & du mal, il mefemble qu'il ejl de la pru- dence, & que l'ordre me/me, dont nojlre auteur paroifi fi ialoux, requiert que toutes les chofes qui ne feruent point au fuiet, & qui \peuucnt donner lieu à plufieurs difputes, fojent retranchées, de peur que, tandis que le lecteur s'amujé inutilement à difputer des chofes qui fontfuperjhiës. Une foit diuerti de la connoiffance des neceffaires.

La féconde chofe dont ie voudrois que nofire auteur donna/1 quelque auertiffement, efi que, lorfqu'il dit que nous ne deuons donner nojlre créance qu'aux chofes que nous conceuons clairement & difiincîement, cela s'entend feulement des chofes qui concernent les Jciences, & qui tombent foui nofire intelligence, & non pas de celles qui regardent lafof & les aâions de nofire vie ; ce qui a fait qu'il a toujiours con- damné l' arrogance & prefomption de ceux qui opinent, c'efi à dire de ceux qui penfentfçauoir ce qu'ils ne fçauent pas, mais qu'il n'a iamais blâmé la iujte perjuafion de ceux qui croyent auec prudence.

Car, comme remarque fort iudicieufement S. Augujtin au Cha- pitre i5 DE l'utilité de la croyance, il y a trois choies en l'efprit de l'homme qui ont entr'elles vn très-grand raport, & ferîibient qua/i 286 n'eftre qu'vne mefme choie, mais qu'il faut | neantmoins tres-foi- gneufement diftinguer, fçauoir eft : entendre, croire & opiner.

Celuy-la entend^ qui comprend quelque chofe par des raifons cer- taines. Celuy-la croit, lequel, emporté par le poids & le crédit de quelque graue et puiffante autorité, tient pour vray cela mefme qu'il ne comprend pas par des raifons certaines. Celuy-la opine, qui fe perfuade ou plutoft qui prefume de fçauoir ce qu'il ne fçait pas.

Or c'eft vne choie honteufe & fort indigne d'vn homme que d'opiner, pour deux raifons : la première, pource que celuy-la n'eft plus en eltat d'aprendre, qui s'efl defia perfuade de fçauoir ce qu'il ignore; & la féconde, pource que la prefomption eil de foy la marque d'un efprit mal fait & d'un homme de peu de fens.

Doncques ce que nous entendons, nous le deuons à la raifon ; ce que nous croyons, à l'autorité; ce que nous opinons, à l'erreur. le dis cela afin que nous fçachions qu'adioutant foy mefme aux chofes que nous ne comprenons pas encore, nous lommes exemps de la prefomption de ceux qui opinent. Car ceux qui difent qu'il ne faut rien croire que ce que nous fça-

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