Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/206

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i8o OEuvRES DE Descartes. i3î-233.

qu'il n'eft point conferué par vne adlion pofitiue de la caufe effi- ciente, de quoy ie demeure auffi d'accord.

Enfin, la troifiéme eft, qu'i7 iie peut y auoir rien dans nojlre ejprit dont nous n'ayons connoijfance ; ce que i'ay entendu des opérations, & luy le nie des puiffances.

Mais ie tâcheray d'expliquer tout cecy plus au long. Et premiè- rement, où il dit que,/ le froid ejl Jeulement vne priuation, il ne peut y auoir d'idée qui me le reprefente comme vne chofe pojitiue, il eft manifefte qu'il parle de l'idée pnk formellement.

Car, puifque les idées mefmes ne font rien que des formes, & qu'elles ne font point compofées de matière, toutes & quantes fois qu'elles font confiderées en tant qu'elles reprefentent quelque chofe, elles ne font pas pnies matériellement, mais formellement; que fi on les confideroit, non pas en tant qu'elles reprefentent vne chofe ou vne autre, mais feulement comme eftant des opérations de l'enten- dement, on pouroit bien à la vérité dire qu'elles feroient prifes matériellement, mais alors elles ne fe raporteroient point du tout à la vérité ny à la faufl'eté des objets.

C'eft pourquoy ie ne penfe pas qu'elles puiffent eftre dites maté- riellement fauffes, en vn autre fens que celuy que i'ay défia expliqué : c'eft à fçauoir, foit que le froid foit vne choie pofitiue, foit qu'il foit 309 vne priuation, ie n'ay pas pour cela vne autre | idée de luy, mais elle demeure en moy la mefme que i'ay toufiours eue; laquelle ie dis me donner matière ou occafion d'erreur, s'il eft vray que le froid foit vne priuation, & qu'il n'ait pas autant de realité que la cha- leur, d'autant que, venant à confiderer l'vne & l'autre de ces idées, félon que ie les ay receuës des fens, ie ne puis| reconnoiftre qu'il y ait plus de realité qui me foit reprefentée par l'vne que par l'autre.

Et certes ie n'ay pas confondu le iugement auec l'idée ; car i'ay dit qu'en celle-cy fe rencontroit vne fauffeté matérielle, mais dans le iugement il ne peut y en auoir d'autre qu'vne for-melle. Et quand il dit que l'idée du froid eft le froid mefne en tant qu'il efl objeâi- uement dans l'entendement, ie penfe qu'il faut vfer de diftindion ; car il arriue fouuent dans les idées obfcures & confufes, entre lefquelles celles du froid & de la chaleur doiuent eftre mifes, qu'elles fe raportent à d'autres chofes qu'à celles dont elles font véritablement les idées.

Ainfi, fi le froid eft feulement vne priuation, l'idée du froid n'eft pas le froid mefme en tant qu'il efl objediuement dans l'enten- dement, mais quelque autre chofe qui eft prife faufl"ement pour cette

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