Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/253

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

424-4". Sixièmes Réponses. 227

ction ou diuerfité que ie remarque entre la nature d'vne chofe éten- due &. celle d'vne chofe qui penfe, ne me paroift pas moindre que celle qui eft entre des os & de la chair.

Mais, pource qu'en cet endroit on fe fert d'autoritez pour me combattre, ie me trouue obligé, pour empêcher qu'elles ne portent aucun préjudice à la vérité, de répondre à ce qu'on m'objeéte {que perfonne n'a encore pîi comprendre ma déinonftration), qu'encore bien qu'il y en ait fort peu qui l'ayent foigneufement examinée, il s'en trouue neantmoins quelques-vns qui fe perfuadent de l'entendre, & qui s'en tiennent entièrement conuaincus. Et comme on doit adjouter plus de foy à vn feul témoin qui, après auoir voyagé en Amérique, nous dit qu'il a veu des Antipodes, qu'à mille autres qui ont nié cy-deuant qu'il y en euft, fans en auoir d'autre raifon, fmon qu'ils ne le fçauoient pas : de mefme ceux qui pezent comme il faut la valeur des raifons, doiuent faire plus d'eftat de l'autorité d'vn feul homme, qui dit entendre fort bien vne démonflration, que de celle de mille autres qui difent, lans railon, qu'elle n'a pu encore eltre comprife de peribnne. Car, bien qu'ils ne l'entendent point, cela ne fait pas que d'autres ne la puilfent entendre ; & pource qu'en inférant l'vn de l'autre, ils font voir qu'ils ne font pas affez exaiSs dans leurs raifonnemens, il lemble que leur autorité ne doiue pas eflre beaucoup confiderée.

I Enfin, à la quertion qu'on me propofe en cet endroit, fçauoir : fi 361 i'ay telloncnt coupé & diuifè par le moyen de mon analyfe tous les mouuemeiis de ma matière fubtile, que non feulement ie fois affeuré, mais mefme que ie puiffe faire connoijlre à des perfonnes tres-atleU' tiues, & qui penfent eflre affe\ clairuoyantes, qu'il y a de la répu- gnance que nos penfées foyent répandues dans des mouuemens cor- porels, c'elt à dire, comme ie l'eflime, que nos penfées | foyent vne mefme chofe auec des mouuemens corporels, ie répons que, pour mon particulier, i'en fuis très-certain, mais que ie ne me promets pas pour cela de le pouuoir perfuader aux autres, quelque attention qu'ils 3' aportent & quelque capacité qu'ils penfent auoir, au moins tandis qu'ils n'apliqueront leur efprit qu'aux chofes qui font feule- ment imaginables, & non point à celles qui font purement intelli- gibles ; comme il eft aile de voir que ceux-là font, qui s'imaginent que toute la dillindion & différence qui ei^ entre la penfée & le mouue- ment, fe doit entendre par la difleétion de quelque matière fubtile. Car cela ne fe peut entendre, finon lorfqu'on confidere que les idées d'vne choie qui penfe, & d'vne chofe étendue ou mobile, font entiè- rement diuerfes & indépendantes l'vne de l'autre, & qu'il répugne

�� �