Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/302

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4 OEuvRES DE Descartes.

pour guider nos pas. Les belles brutes, qui n'ont que leurs corps à conferuer, s'occupent continuel- lement à chercher de quoy le nourrir ; mais les hommes, dont la principale "partie eft l'efprit, de- uroient employer leurs principaux foins à la re- 5 cherche de la Sagefle, qui en eft la vraye nourriture ; & je m'aflure auffi qu'il y en a plufieurs qui n'y man- queroient pas, s'ils auoient efperance d'y reûffir, & qu'ils fceuftent combien ils en font capables. Il n'y a point d'ame tant foit peu noble, qui demeure û fort lo attachée aux objets des fens, qu'elle ne s'en détourne quelquefois pour fouhaiter quelque autre plus grand bien, nonobftant qu'elle ignore fouuent en quoy il (13) confifte. Ceux que la fortune | fauorife le plus, qui ont abondance de fanté, d'honneurs, de richeffes, ne i5 font pas plus exempts de ce defir que les autres ; au contraire, je me perfuade que ce font eux qui fou- pirent auec le plus d'ardeur après vn autre bien, plus fouuerain que tous ceux qu'ils pofTedent. Or ce fou- uerain bien, confideré par la raifon naturelle fans la 20 lumière de la foy, n'eft autre chofe que la connoif- fance de la vérité par fes premières caufes, c'eft à dire la Sageffe, dont la Philofophie eft l'eftude. Et, pource que toutes ces chofes font entièrement vrayes, elles ne feroient pas difficiles à perfuader, fi elles eftoient 2 5 bien déduites.

Mais, pource qu'on eft empefché de les croire par l'expérience, qui monftre que ceux qui font profeffion d'eftre Philofophes, font fouuent moins fages & moins raifonnables que d'autres qui ne fe font jamais appli- 3o quez à cet eftude, j'aurois icy fommairement expliqué

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