Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/327

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Principes. — Première Partie. 29

pas que, | parmy ceux qui liront mes efcrits, il s'en rencontre de li ftupides qu'ils ne puiffent entendre d'eux-mefmes ce que ces termes fignifient. Outre que i'ay remarqué que les Philolbphes..., en tafchant d'expliquer, par les règles de leur Logique, des chofes qui font... manifeftes d'elles-mefmes, n'ont rien fait que les obfcurcir; & lors j'ay dit que cette propofition : Je pense, donc je suis, eft la première & la plus certaine qui fe prefente à celuy qui conduit fes penfées par ordre, je n'ay pas pour cela nié qu'il ne fallut fçauoir auparauant ce que c'eft que penfée, certitude, éxiftence, & que pour penfer il faut eftre, & autres chofes femblables ; mais, à caufe que ce font là des notions fi fimples que d'elles-mefmes elles ne nous font auoir la connoiffance d'aucune chofe qui exirte, je n'ay pas jugé qu'elles deuffent élire mifes icy en compte.

//. Comment nous pouuons plus clairement connoijire nojire ame que nojîre corps.

Or, afin de fçauoir comment la connoilfance que nous auons de noftre penfée, précède celle que nous auons du corps..., & qu'elle eft incomparablement plus éuidente, £■ telle, qu'encore qu'il ne fujt point, nous aurions rai/on de conclure qu'elle ne laijferoit pas d'ejire tout ce qu'elV ejl, nous remarquerons qu'il eft: manifelle, par vne lumière qui eft naturellement en nos âmes, que le néant n'a au- cunes qualitezl ny proprietez qui lui /oient affeâées, & qu'où nous en apperceuons quelques-vnes, il fe doit trouuer neceffairement vne chofe ou fubftance dont elles dépendent. Cette mefme lumière nous montre aufli que nous connoiflbns d'autant mieux vne chofe ou fubftance, que nous remarquons en elle dauantage de proprietez. Or il eft certain que nous en remarquons beaucoup plus en noftre penfée qu'en aucune autre chofe, d'autant qu'il n'y a rien qui nous excite à connoiftre quoy que ce foit, qui ne nous porte encore plus certainement à connoiftre noftre penfée. Par exemple, fi je me per- fuade qu'il y a vne terre à caufe que je la touche ou que je la voy, de cela mefme, par vne raifon encore plus forte, je dois eftre per- fuadé que ma penfée ejl ou exifte, à caufe qu'il fe peut faire que je penfe toucher la terre, encore qu'il n'y ait peut-eftre aucune terre au monde, & qu'il n'eft pas poflible que moy, c'eft à dire mon ame, ne foit rien pendant qu'ell'a cette penfée. Nous pouuons conclurre le mefme de toutes les autres chofes qui nous vienent en la penfée, à fçauoir que nous, qui les penfons, exijlons, encore qu'elles foient peut-eflre faujfes ou qu'elles n'ayent aucune exiflence.

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