Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/336

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}S Œuvres de Descartes.

de tromper ne procède que de malice, ou de crainte & de foibleffe, & par confequent ne peut eftre attribuée à Dieu.

3o. Et que par confequent tout cela eft vray que nous connoijfons claire- ment eftre vray, ce qui nous deliure des doutes cy-dejffus propofe:^.

D'où il fuit que la faculté de connoiftre qu'il nous a donnée, que nous appelions lumière naturelle, n'apperçoit jamais aucun objet qui ne foit vray en ce qu'elle l'apperçoit, c'eft à dire en ce qu'elle con- noit clairement & diftindement; pource que nous aurions fujet de croire que Dieu feroit trompeur, s'il nous l'auoit donnée... telle que nous priffions le faux pour le vray, lors que nous eu vfotis bien. Et cette confideration feule nous doit deliurer de ce doute hyperbo- lique" où nous auons efté, pendant que nous ne fçauions pas encore fi celuf qui nous a crée^ auoit pris plaiftr'a nous faire tels, que nous fuffions trompez en toutes les chofes qui nous femblent tres-claires. Elle doit nous feruir aufli contre toutes les autres raifons que nous auions de douter, & que j'ay alléguées cy-deffus"; mefmes les vérités 22 de mathématique ne nous feront | plus fufpedes, à caufe qu'elles font tres-éuidentes ; & fi nous apperceuons quelque chofe par nos fens, foit en veillant, foit en dormant, pourueu que nous feparions ce qu'il y aura de clair & diflind, en la notion que nous aurons de cette chofe, de ce qui fera obfcur & confus, nous pourrons facilement nous affurer de ce qui fera vray. le ne m'eftends pas icy dauantage fur ce fujet, pource que j'en ay amplement traité dans les Médita- tions de ma Metaphyfique', & ce qui fuiura tantoft feruira encore à l'expliquer mieux.

3i. Que nos erreurs, au regard de Dieu, ne font que des négations, mais, au regard de nous, font des priuations ou des deffauts.

Mais pource qu'il arriue que nous nous méprenons fouuent, quoy que Dieu ne foit pas trompeur, fi nous defirons rechercher la caufe de nos erreurs & en découurir la fource, afin de les corriger, il faut, que nous prenions garde qu'elles ne dépendent pas tant de noftre entendement comme de noflre volonté, & qu'elles ne font pas des chofes ou fubjiances qui ayent befoin du concours aduel de Dieu pour eftre produites : en forte qu'elles ne font, à fon égard,

a. Latin : summa.

b. Art. 4 et 5, p. 26-37.

c. Voir surtout Méditation IV, p. 43 et suiv. de ce volume.

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