Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/340

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42 Œuvres de Descartes.

��40. Que nous fcauons aujji très-certainement que Dieu a preordonné

toutes chofes.

Mais, à caufe que ce que nous auons depuis connu de Dieu, nous affure que fa puiffance eft fi grande, que nous ferions vn crime de penfer que nous euffions jamais efté capables de faire aucune chofe, qu'il ne l'euft auparauant ordonnée, nous pourrions ayfément nous embaraffer en des difficultez très-grandes, fi nous entreprenions d'accorder la liberté de noftre volonté auec fes ordonnances, & fi nous tafchions de comprendre, c'ejl à dire, d'embrajfer & comme limiter auec nojire entendement toute l'ejlenduë de nojire libre arbitre & l'ordre de la Prouidence éternelle.

��41 . Comment on peut accorder nojire libre arbitre auec la preordination diuine.

Au lieu que nous n'aurons point du tout de peine à nous en deli- urer, fi nous remarquons que noftre penfée eft finie, & que la toute- puiffance de Dieu, par laquelle il a non ieulement connu de toute éternité ce qui eft ou qui peut eftre, mais il l'a auffi voulu..., eft infinie. Ce qui fait que nous auons bien ajfe\ d'intelligence pour connoiftre clairement & diftinélement que cette puiffance eft en Dieu, mais que nous n'en auons pas ajfei pour comprendre telle- ment /o?/ ejlenduë que nous puiflions fçauoir comment elle laifie les 28 aélions des hommes en\tierement libres & indéterminées; & que, d'autre cofté, nous fommes aufli tellement a£'ure^ de la liberté & de l'indifférence qui eft en nous, qu'il n'y a rien que nous connoiffions plus clairement... : de façon que la toute-puijfance de Dieu ne nous doit point empefcher de la croire. Car nous aurions tort de douter de ce que nous apperceuons intérieurement & que nous fçauons par expérience eftre en nous, pource que nous ne comprenons pas vne autre chofe que nous fçauons... eftre incomprehenfible de fa nature.

42. Comment, encore que nous ne vueillions jamais faillir, cejl neantmoins par nojire volonté que nous /aillons.

Mais, pource que nous fçauons que l'erreur dépend de noftre volonté, & que perfonne n'a la volonté de fe tromper, on s'efton- nera peut-eftre qu'il y ait de l'erreur en nos jugemens. Mais il faut remarquer qu'il y a bien de la différence entre vouloir eftre trompé.

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