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��Principes. — Première Partie. 4J

& vouloir donner fon confentement à des opinions qui font caufe que nous nous trompons quelquefois. Car, encore qu'il n'y ait per- fonne qui vueille expreffement fe méprendre, il ne s'en trouue prefque pas vn qui ne vueille... donner fon confentement à des chofes qu'il ne connoijl pas dijîinâement. Et mefmes il arriue fouuent que c'eft le defir de connoiflre la vérité qui fait que ceux qui ne fçauent pas l'ordre qu'il faut tenir pour la rechercher, manquent de la trouuer & fe trompent, à caufe qu'il les incite à précipiter leurs \jugemens, & à prendre des chofes pour vrayes, defquelles -Js n'ont pas affés de Connoiffance.

43. Que nous ne fcaurions faillir en ne jugeant que des chofes que nous apperceuons clairement & dijîinâement.

Mais il eft certain que nous ne prendrons jamais le faux pour le vray, tant que nous ne jugerons que de ce que nous apperceuons clairement & diflinftement ; parce que. Dieu n'eftant point trom- peur, la faculté de connoiflre qu'il nous a donnée ne fçauroit faillir, ny mefmes la faculté de vouloir, lors que nous ne l'eftendons point au delà de ce que nous connoiffons. . . Et quand mefme cette vérité n'auroit pas efté demonflrée, nous fommes naturellement fi enclins à donner noftre confentement aux chofes que nous apperceuons manifeflement, que nous n'en fcaurions douter pendant que nous les apperceuons de la forte.

44. Que nous ne fcaurions que mal juger de ce que nous n'aperceuons pas clairement, bien que nojîre jugement puiffe ejire vray, & que c'ejt fouuent noJlre mémoire qui nous trompe.

Il eft auffi très-certain que, toutes les fois que nous approuuons quelque raifon dont nous n'auons pas vne connoiffance bien exàéte, ou nous nous trompons, ou, fi nous trouuons la vérité, comme ce n'eft que par hazard, nous ne fcaurions eJlre ajfurei de l'auoir 7'en- contrée, & ne fcaurions Içauoir certainement que nous ne nous trompons point. J'aduoiie qu'il arriue rarement que nous jugions d'vne chofe en mefme temps que nous remarquons que nous ne la connoiffons pas aifez diftinélement ; à caufe que la raifon naturelle- ment nous dide que nous ne | deuons jamais juger de rien, que de 30 ce que nous connoiffons dijîinâement auparauant que de juger. Mais nous nous trompons fouuent, pource que nous prefumons auoir autrefois connu plufieurs chofes, & que, tout aufli-toft qu'il

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