Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/383

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Principes. — Seconde Partie. 85

Mais, pource que nous habitons vne terre dont la conftitution eft telle que tous les mouuemens qui fe font auprès de nous celfent en peu I de temps, & fouuent par des raifons qui font cachées à nos 96 fens, nous auons jugé, dés le commencement de noflre vie, que les mouuemens qui celfent ainfi par des raifons qui nous font incon- nues, s'arreltent d'eux-mefmes, & nous auons encore à prefent beau- coup d'inclination à croire le femblable de tous les autres qui font au monde, à fçauoir que naturellement ils ceffent d'eux-mefmes, & qu'ils tendent au repos, pource qu'il nous femble que nous en auons fait l'expérience en plufieurs rencontres. Et toutefois ce n'eft qu'^n faux préjugé, qui répugne manifeflement aux loix de la nature; car le repos eft contraire au mouuement, & rien ne fe porte par l'inJUnd de fa nature à fon contraire, ou à la deftrudion de foy-mefme.

38. Pourqiioy les corps pouJ[fe\ de la main continuent de Je mouuoir après qu'elle les a quitte^.

Nous voyons tous les jours la preuue de cette première règle dans les chofes qu'on a pouffées" au loin. Car il n'y a point d'autre raifon pourquoy elles continuent... de fe mouuoir, lors qu'elles font hors de la main de celuy qui les a pouffées, finon que, fuiuaut les loix de la nalure, tous les corps qui fe meuuent continuent de fe mouuoir jufques à ce que leur mouuement foit arrejté par quelques autres corps... Et il eft éuident que l'air & les autres corps liquides, entre lefquels nous voyons ces chofes fe mouuoir, diminuent peu à peu la viteffe de leur mouue|ment...; car nous pouuons mefme fentir de 97 la main la refiftance de l'air. ..,fi nous fecoiions aftez. vite vn Euentail qui foi l ejlendu, & il n'y a point de corps fluide fur la terre, qui ne refifte, encore plus manifeftement que l'air, aux mouuemens des autres corps . . .

��3g. La 2. loy de la nature : Que tout corps qui fe meut, tend à continuer fon mouuement en ligne droite.

La féconde loy que je remarque en la nature, eft que chaque partie de la matiere,en fon particulier, ne tend jamais à continuer de fe mouuoir fuiuant des lignes courbes, mais fuiuant des lignes droites, bien que plufieurs de ces parties foient fouuent contraintes de fe détourner, pource qu'elles en rencontrent d'autres en leur

a. Texte imprimé « pouffé ».

�� �