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MEDITATIONS

TOUCHANT

LA PREMIERE PHILOSOPHIE

DANS LESQUELLES

L’EXISTENCE DE DIEU ET LA DISTINCTION RÉELLE ENTRE L’AME ET LE CORPS DE L’HOMME SONT DEMONSTREES


Premiere Meditation.

Des choſes que l’on peut reuoquer en doute.


Il y a deſia quelque temps que ie me ſuis apperceu que, dés mes premieres années, i’auois receu quantité de fauſſes opinions pour veritables, & que ce que i’ay depuis fondé ſur des principes ſi mal aſſurez, ne pouuoit eſtre que fort douteux & incertain ; de facon | qu’il me falloit entreprendre ſerieuſement vne fois en ma vie de me (8) defaire de toutes les opinions que i’auois receuës iuſques alors en ma creance, & commencer tout de nouueau dés les fondemens, ſi ie voulois eſtablir quelque choſe de ferme & de conſtant dans les ſciences. Mais cette entrepriſe me ſemblant eſtre fort grande, i’ay attendu que i’euſſe atteint vn âge qui fuſt ſi meur, que ie n’en peuſſe eſperer d’autre aprés luy, auquel ie fuſſe plus propre à l’executer; ce qui m’a fait differer ſi long-temps, que deſormais ie croirois commettre vne faute, ſi i’employois encore à deliberer le temps qui me reſte pour agir.

Maintenant donc que mon eſprit eſt libre de tous ſoins, | & que ie me ſuis procurë vn repos aſſuré dans vne paiſible ſolitude, ie m’apliqueray ſerieuſement & auec liberté à deſtruire generalement toutes mes anciennes opinions. Or il ne ſera pas neceſſaire, pour arriuer à ce deſſein, de prouuer qu’elles ſont toutes fauſſes, de quoy