Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/402

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I04 OEuvRES DE Descartes.

��2. Qu'on prefumeroit trop de foy-mefme, fi on entreprenoit de connoiftre

la fin que Dieu s'efi propojé en créant le monde.

La féconde eft que nous nous remcltions auffi touf-jours dcuant les yeuXf que la capacité de nojlre efprit ejl fort médiocre, & que nous ne deuons pas trop prefumer de nous-melmes, comme il femble que nous ferions, fi nous fuppofions que l'vniuers euft quelques limites, fans que cela nous fuft affuré par reuelation diuine, ou du moins par des raifons naturelles fort éuidentes ; pource que ce feroit vou- loir que noftre penfée puft imaginer quelque chofe au delà de ce à quoy la puiffance de Dieu s'eft eftenduë en créant le monde; mais

126 auflî I encore plus, fi nous nous perfuadions que ce n'ell que pour noftre vfage" que Dieu a créé toutes les chofes, ou bien feulement fi nous prétendions de pouuoir connoiftre par la force de noftre efprit quelles font les fins pour lefquelles il les a créées.

3. En quelfens on peut dire que Dieu a créé toutes chofes pour l'homme.

Car encore que ce foit vne penfée pieufe & bonne, en ce qui re- garde les moeurs, de croire que Dieu a fait toutes chofes pour nous, afin que cela nous excite d'autant plus à l'aymer & luy rendre grâces de tant de bien-faits; encore aulTi qu'elle foit vra3'e en quelque fens, à caufe qu'il n'y a rien de créé dont nous ne puiftions tirer quelque vfage, quand ce ne feroit que celuy d'exercer noftre efprit en le confiderant, & d'éftre incitez à loUer Dieu par fon moyen : il n'eft toutefois aucunement vray-femblable que toutes chofes ayent efté faites pour nous, en telle façon que Dieu n'ait eu aucune autre fin en les créant. Et ce feroit, ce me femble, eftre impertinent de fe vouloir feruir de cette opinion pour appuyer des railbnnemens de Phyfique; car nous ne fçaurions douter qu'il n'y ait vne infinité de chofes qui font maintenant dans le monde, ou bien qui y ont efté autrefois & ont def-ja entièrement cefl'é d'eftre, fans qu'aucun homme les ait jamais veuës ou'connuës, & fans qu'elles luy ayent jamais feruy à aucun vfage.

127 I 4. Des Phainomenes ou expériences, & à quoy elles peuuent icy feruir.

Or les principes que j'ay cy-deffus expliquez, font fi amples, qu'on en peut déduire beaucoup plus de chofes que nous n'en

a. Voir Correspondance ^ t. V, p. 53, 1. 24, à p. 56, 1. 22, et ibid., p. 168.

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