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114 OEuvREs DE Descartes.

fçauroit trouuer dans la Terre, ni dans les autres Planètes, aucun mouuement, félon la propre fignilîcation de ce mot, pource qu'elles ne font point tranfportées du voifinage des parties du Ciel qui les touchent, en tant que nous confiderons ces parties comme en repos ; car pour eftre ainfi tranfportées, il faudroit qu'elles s'éloignalfcnt en mefme temps de toutes les parties de ce Ciel prifes enfemble, ce qui n'arriue point. Mais la matière du C^iel eftant liquide, & les parties qui la compofent fort agitées, tantoft les vnes de ces parties s'éloignent de la Planète qu'elles touchent, & tantoit les autres, & ce, par vn mouuement qui leur ell propre, & qu'on leur doit attri- buer pluftort qu'à la Planète qu'elles quittent : de mefme qu'on attri- bue les particuliers tranfports de l'air ou de l'eau qui fe font lur la fuperficie de la Terre, à l'air ou à l'eau, & non pas à la Terre.

2q. Que, mefme en parlant improprement & fuiuant l'vfage, on ne doit point attribuer de mouuement à la Terre, mais feulement aux autres Planètes.

Et fi on prend le mouuement fuiuant la façon vulgaire, on peut

141 bien dire que toutes les | autres Planètes fe meuuent, mefmes le Soleil & les Eftoiles fixes; mais on ne fçauroit parler ainfi de la Terre, que fort improprement. Car le peuple détermine les lieux des Eftoiles, par certains endroits de la Terre qu'il confidere comme immobiles, & croit qu'elles fe meuuent, lors qu'elles s'éloignent des lieux qu'il a ainfi déterminez : ce qui eft commode à l'vfage de la vie, & n'eit pas imaginé fans raifon, pour ce que, comme nous auons tous jugé dés noltre enfance que la Terre eltoit plate & non pas ronde, & que le bas & le haut, & les parties principales, à fçauoir le leuant, le couchant, le midy & le feptentrion, eltoient touf-jours & par tout les mefmes; nous auons marqué par ces choses, qui ne font arre/lées qu'en nojlre peufée, les lieux des autres corps. Mais fi vn Philofophe, qui fait prof ejjion de rechercher la vérité, ayant pris garde que la Terie elt vn globe qui tlutte dans vn Ciel liquide, dont les parties ibnt extrêmement agitées, (S: que les Elloiles fixes gardent entr'elles touf-jours vne mefme fituation, fe vouloir feruir de ces Elloiles & les confiderer comme fiables, pour déterminer le lieu de la Terre, & en fuitte de cela vouloir conclure qu'elle fe meut, il fe méprendroit, & fon difcours ne feroit appuyé d'aucune raifon. Car

142 fi on prend le lieu en fon vray fens, & comme tous | les Philofophes qui en connoifient la nature le doiuent prendre, il faut le déter- miner par les corps qui touchent immédiatement celuy qu'on dit

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