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I20 OEUVRES DE DeSCARTES.

celle de Copernic, on attribue plus de mouuement à la Terre que par l'autre. Premièrement, il faut, pendant que la Terre, félon l'opi- nion de Tycho, demeure immobile, que le Ciel auec les Eftoiles tourne autour d'elle chaque jour, ce qu'on ne Tçauroit entendre fans conceuoir aufii que toutes les parties de la Terre font feparées de toutes les parties du Ciel qu'elles touchoient vn peu auparauant, & qu'elles viennent à en toucher d'autres; & pource que cette fepa- ration eft réciproque, ainfi qu'il a eflé dit cy-deffus", & qu'il faut qu'il y ait autant de force ou d'adion en la Terre comme au Ciel,

150 je ne voy rien qui nous | oblige à croire que le Ciel foit pluftoft meu que la Terre ; au contraire, nous auons bien plus de raifon d'attri- buer ce mouuement ^ la Terre, pource que la feparation fe fait en toute fa fuperficie, & non pas de mefme en toute la fuperficie du Ciel, mais feulement en la concaue qui touche là Terre, & qui eft extrêmement petite, à comparaifon de la conuexe. Et n'importe qu'ils difent que, félon leur opinion, la fuperficie conuexe du Ciel eftoilé eft auffi bien feparée du Ciel qui l'enuironne, à fçauoir du criftalin ou de l'empirée, comme la fuperficie concaue du mefme Ciel l'eft de la Terre, & que, pour cela, ils attribuent le mouuement au Ciel pluftoft qu'à la Terre. Car ils n'ont aucune preuue qui face paroiftre cette feparation de toute la fuperficie conuexe du Ciel eftoilé d'auec l'autre Ciel qui l'enuironne ; mais ils la feignent à plaifir. Et ainfi, par leur hypothefe, la raifon pour laquelle on doit attribuer le mouuement au Ciel & le repos à la Terre, eft imagi- naire & ne dépend que de leur fantaifie; au lieu que la raifon pour laquelle ils pourroient dire que la Terre fe meut, eft euidente & certaine.

3p. Et aitjft qu'elle fe meut autour du Soleil.

De plus, fuiuant l'hypothefe de Tycho, le Soleil faifant vn circuit tous les ans autour de la Terre, emporte auec foy aon feulement

151 Mercure & Venus, mais encore Mars, lupiter & Sajturne, qui font plus éloignez de luy que n'eft la Terre; ce qu'on ne fçauroit en- tendre en vn Ciel liquide comme ils le fupofent, fi la matière du Ciel qui eft entre le Soleil & ces Aftres, n'eft emportée toute en- femble auec eux, & que cependant la Terre, par vne force particu- lière & différente de celle qui tranfporte ainfi le Ciel, fe fepare des parties de cette matière qui la touchent immédiatement, & qu'elle

a. Partie II, art. 29, p. 78.

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