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5.8

��CEuvRES DE Descartes.

��l'entremife des fens ; mais, excepté le mouuement, la grandeur, la figure ou fitiiation des parties de chaque corps, qui font des chofes que j'a}' \cy expliquées le plus exaclement qu'il m'a ejîé pojjihle, nous n'apperceuons rien hors de nous, par le moyen de nos fens, que la lumière, les couleurs, les odeurs, les goufls, les fons, & les qualitez de l'attouchement : de toutes lefquelles je viens de prouuer que nous n'apperceuons point aufli qu'elles foient rien hors de nojlre penjée, finon les mouuemens, les grandeurs ou les Jîgures de quelques cojps. Si bien que j'ay prouué qu'il n'y a rien en tout ce monde vifible, en tant qu'il ejl feulement vifible ou fenftble, finon les chofes que j'y ay expliquées.

2 00. Que ce traitté ne contient aiijfi aucuns principes qui n'ayent eJîé receus de tout temps de tout le monde, en forte que cette philofophie n'ejl pas nouuelle, mais la plus ancienne & la plus commune qui puiffe ejlre.

Mais je defire auffi qu'on remarque que, bien que j'aye icy tafché 47i de rendre raifon de... toutes | les chofes matérielles, je ne m'y fuis neantmoins feruy d'aucun principe qui n'ait edé reçeu & approuuê par Ariftote & pai^ tous les autres Philofophes qui ont jamais efté au monde; en forte que cette Philofophie n'eft point nouuelle, mais la plus ancienne & la plus vulgaire qui puiffe eftre. Car je 7i'ay rien du tout confideré que la figure, le mouuement & la grandeur de chaque corps, ny examiné aucune autre chofe que ce que les loix des mechaniques, dont la vérité peut eftre prouuée par vne infinité d'expériences..., enieignent deuoir fuiure de ce que des corps qui ont diuerfes grandeurs, ou figures, ou mouuemens, fe ren- contrent enfemble. Mais perfonne n'a jamais douté qu'il n'y euft des corps dans le monde qui ont diuerles grandeurs & figures, & fe meuuent diuerfement, félon les diuerfes façons qu'ils fe rencon- trent, & mefme qui quelquefois fe diuifent..., au moyen de quoy ils changent de figure & de grandeur. Nous expérimentons la vérité de cela tous les Jours, non par le moyen d'vn feul fens, mais par le moyen de plufieurs, à fçauoir de l'attouchement, de la veuë & de l'ouye ; noftre imagination en reçoit des idées très diftindes, & noftre entendement le conçoit /res-clairement. Ce qui ne fe peut dire d'aucune des autres chofes qui tombent fous nos fens, comme 475 font les | couleurs, les odeurs, les fons & femblables : car chacune de ces chofes ne touche qu'vn feul de nos fens, & n'imprime en noihe imagination qu'vne idée de foy qui eft fort confufe, & enfin ne fait point connoiftre à noftre entendement ce qu'elle eft.

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