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61-62. Méditations. — Quatrième. 49

vne claire & diftinde intelligence de toutes les chofes dont ie deuois iamais délibérer, ou bien feulement s'il euft fi profondément graué dans ma mémoire la refolution de ne iuger iamais d'aucune chofe fans la conceuoir clairement & diftinftement, que ie ne la peufTe iamais oublier. Et ie remarque bien qu'en tant que ie me confi- dere tout feul, comme s'il n'y auoit que moy au monde, i'aurois efté beaucoup plus parfait que ie ne fuis, fi Dieu m'auoit créé tel que ie ne failliffe iamais. Mais ie ne pnis pas pour cela nier, que ce ne foit en quelque façon vne plus grande perfeftion dans tout l'Vniuers, de ce que quelques vnes de fes parties ne font pas exemptes de deffaut, que fi elles eftoient toutes femblables. Et ie n'ay aucun droit de me plaindre, fi Dieu, m'ayant mis au monde, n'a pas voulu me mettre au rang des chofes les plus nobles & les plus parfaites; mefme i'ay fujet de me contenter de ce que, s'il ne m'a pas donné la vertu de ne point faillir, par le premier moyen que i'ay cy-defl'us déclaré, qui dépend d'vne claire & éuidente con- noiffance de toutes les chofes dont ie puis délibérer, | il a au moins laiffé en ma puifl"ance l'autre moyen, qui efi: | de retenir fermement la refolution de ne iamais donner mon iugement fur les choies dont la vérité ne m'eft pas clairement connue. Car quoy que ie remarque cette foiblefl"e en ma nature, que ie ne puis attacher continuellement mon efprit à vne mefme penfée, ie puis toutesfois, par une médita- tion attentiue & fouuent réitérée, me l'imprimer fi fortement en la mémoire, que ie ne manque iamais de m'en reffouuenir, toutes les fois que l'en auray befoin, & acquérir de cette façon l'Jiabitude de ne point faillir.. Et, d'autant que c'eft en cela que confifte la plus grande & principale perfeftion de l'homme, i'eflime n'auoir pas peu gagné par cette» Méditation, que d'auoir" découuert la caufe des fauffetez & des erreurs. 1

Et certes il n'y en peut auoir d'autre que celle que i'ay expliquée ; car toutes les fois que ie retiens tellement ma volonté dans les bornes de ma connoiffance, qu'elle ne fait aucun iugement que des chofes qui luy font clairement & diftindement reprefentées par l'entendement, il ne fe peut faire que ie me trompe; parce que toute conception claire & diftinfte eft fans doute quelque chofe de réel et de pofitif, & partant ne peut tirer fon origine du néant, mais doit necelfairement auoir Dieu pour fon auteur, Dieu, dif-je, qui,

a. 1" édit. : en cette. Mais aux «fautes à corriger : lise\ par cette ».

b. 1'^ édit. : d'auoir. « Fautes à corriger : lise^ que d'auoir ». 2" et 3' édit, : d'auoir.

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